27 septembre 2022

120. La Mafia D'État - Vincent Jouvert

 

La mafia d’état

 


Vincent Jauvert

 

Editions du Seuil 2021

 

Présentation

En France, un petit groupe de hauts fonctionnaires truste la plupart des postes clés et lucratifs – dans les grandes entreprises privées comme au cœur de l’État. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, jamais cette caste n’a été aussi puissante et aussi riche.


Comment cette caste, unique dans le monde occidental, s’est-elle constituée sous le gaullisme, a prospéré sous Mitterrand, pour atteindre son apogée aujourd’hui ? Comment a-t-elle réussi à contrer toutes les tentatives pour réduire son pouvoir ? Pourquoi des proches d’Édouard Philippe sont-ils des archétypes de cet entre-soi ?


Grâce à une quarantaine de témoignages inédits, La Mafia d’État révèle les secrets de cette tribu de grands commis souvent plus préoccupés par l’argent et le pouvoir que par l’intérêt général.

 

On y apprend comment ils se cooptent dans les conseils d’administration de groupes privés, parfois aux limites de la loi ; comment ils font fortune grâce au démantèlement de l’État qu’ils ont eux-mêmes orchestré ; comment certains ont continué à manœuvrer habilement et à prospérer pendant la crise sanitaire.


Grand reporter à L’Obs, Vincent Jauvert est notamment l’auteur des best-sellers d’investigation Les Intouchables d’État et Les Voraces (prix Anticor 2021).

 (Quatrième de couverture)

 

Dans ce même blog, articles sur Vincent Jauvert[1] :

10.Ce "pognon de dingue" que les "élites" nous coûtent [I] - Vincent JAUVERT

11.Ce "pognon" que les "élites" nous coûtent [II] - Vincent JAUVERT

112. 2022, Le pantouflage nouveau est arrivé - Le Canard enchaîné & Vincent Jauvert

 

Table des matières, extraits et citations

 

Avant propos

 

« Il y a près d’un demi-siècle, le grand journaliste politique et historien de la Ve République Pierre Viansson-Ponté écrivait : « L’État et ses chasses gardées, ses réseaux occultes qui évoquent facilement une mafia. »

 

On peut aujourd’hui dresser le même tableau. En pire.

 

Ce livre est le troisième d’une série consacrée aux hauts fonctionnaires français et plus généralement à nos élites politico-administratives.

 


Il y eut d’abord Les intouchables d’État[2]. L’ouvrage racontait comment et pourquoi, quand ils étaient fautifs, les grands commis de la République échappaient très souvent à toute sanction ; et comment, d’une manière générale, beaucoup profitaient de leur position dans l’appareil d’État pour entreprendre des carrières dans le privé.

 


Il y eut ensuite Les voraces[3]. Le livre élargissait le propos au personnel politique, de droite comme de gauche. J’insistais particulièrement sur la course à l’argent dans laquelle ces élites-là étaient prises depuis une dizaine d’années.

 

Et voici, pour reprendre l’idée de Viansson-Ponté, La Mafia d’État. Evidemment, le titre est à prendre dans son acception métaphorique – et non pas criminelle. J’entends par ‘mafia’ un groupe fermé, je pourrais dire aussi une caste, qui défend ses intérêts »… (P. 9)

 

  1. Le bifteck d’un haut commis

 

« Cet ancien fonctionnaire a accepté de me rencontrer, avec réticence. Il sait tellement de choses. (…) Durant notre échange, il me confiera que, pendant des années, son salaire s’élevait à 1,2 million d’euros par an sans compter les stock-options ; et que, aujourd’hui, l’entreprise publique qu’il a privatisé puis vendue lui verse une « retraite-chapeau » de 40.000 euros bruts par mois. » (P. 15)

 

  1. Edouard, Benoît et leurs amis

 


« Dès qu’il a reçu mon e-mail, il m’a fixé rendez-vous pour le lendemain. Comme s’il était pressé de se confier. Augustin de Romanet de Beaune est un aristocrate (…). Secrétraire général de l’Elysée sous Jacques Chirac, ex-PDG de la Caisse des Dépôts et administrateur du cénacle le plus sélect de la capitale, le Siècle[4], cet énarque appartient au Tout-Paris du pouvoir. Cerise sur son prestigieux curriculum, Emmanuel Macro l’a nommé président du Domaine de Chambord, haut lieu des chasses présidentielles où,  tous les week-ends, se croisent les fines gâchettes du monde des affaires et de la politique. (P. 27)

 

  1. Le pantouflage d’un Premier ministre

 

« Les médias se sont peu intéressés au passage d’Édouard Philippe dans le privé, juste après son départ de Matignon. Pourtant, ce pantouflage est symptomatique des mœurs de la tribu qui m’occupe, notamment de sa tendance à agir aux limites de la loi.

 

Le 28 octobre 2020, l’ancien Premier ministre, « le visage de la crise » selon Emmanuel Macron 1, devient, à la surprise générale, administrateur d’une grande société privée d’ingénierie informatique, Atos. L’affaire a été rondement menée puisque Édouard Philippe a demandé l’autorisation à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) le 21 juillet 2020, soit moins de trois semaines après sa démission du gouvernement. Les tractations avec Atos auraient-elles été menées alors qu’il était encore à Matignon ? Impossible de le savoir. » (P. 39)

 

  1. L’art du cumul

 

« Guillaume Petit ne le cache pas : les jetons de présence chez le géant privé de l’eau sont une sorte d’arrangement. ‘En tant que patron de la SNCF, je percevais 450.000 euros par an de revenu fixe, me confie-t-il. C’est le maximum autorisé, je ne pouvais donc pas bénéficier d’une part variable, comme la plupart des patrons. Alors le chef de l’Agence des participations de l’État dont je dépendais m’a dit sous la forme d’une boutade : « Ton variable, ce sont les jetons de présence chez Suez !’ » (P. 51)

 

  1. Place aux femmes

 

« Si le patriarcat tient toujours bon, quelques femmes prennent désormais leur part du gâteau, et ceci depuis une quinzaine d’années.

 

Anne-Marie Idrac est une de ces pionnières. A 70 ans, l’ancienne ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy déborde d’énergie. Elle accumule les projets. Les jetons de présence aussi.

 

(…) Elle cumule. ‘Cela a commencé en 2004, avant la loi Copé-Zimmermann, raconte-t-elle, une tasse de thé à la main, j’étais encore résidente de la RATP. Un de mes copains de promo de l’ENA siégeait au conseil de la banque Dexia. Du coup, je m’y suis retrouvée moi aussi.’ Elle y reçoit en 2007, 22.000 euros en jetons de présence, en plus des 250.000 euros de salaire de présidente de la RATP. » (P. 67)

 

 

  1. La fortune des « jeunes messieurs »

 

« ‘A l’époque mon rêve était de servir l’Éat toute ma vie, me dit celui qui, dans les années 1990 et 2000 deviendra un grand patron millionnaire, Je n’imaginais pas une seconde quitter la fonction publique’ » (P. 79)

(Louis Schweitzer)

 

  1. Extension du domaine de la pantoufle

 

« Durant les années 1980 et 1660, on vient de le voir, la caste d’État a étendu son emprise grâce aux privatisations ? Depuis, elle prospère entre le public et le privé.

 

Octobre 2020. Les sirènes du privé font une conquête inespérée. Le vice-président du Parquet national financier (PNF), Eric Russo, annonce qu’il devient avocat et rejoint Quinn Emanuel, le plus grand cabinet anglo-américain spécialisé dans le contentieux d’affaires. Ce magistrat qui combattait la fraude massive pourrait donc livrer aux entreprises les secrets de son ancienne boutique. Une digue, jusque-là inébranlable, entre la haute fonction publique et le secteur privé s’effondre.

 

Un responsable du bureau parisien de Quinn Emanuel se félicite de cette révolution : ‘Eric n’est pas seulement un magistrat brillant et reconnu, déclare-t-il, mais il est aussi le premier procureur du PNF à rejoindre un cabinet d’avocats – un évènement très rare en France’. » (P. 97)

 

  1. Le Far-West des grands commis

 


« 
Le nouvel horizon de la caste d’État, son Far-West, c’est le lobbying. » (P. 115)

 

  1. La République des camarades

 


« Omniprésence des grands corps au sommet de l’état. C’est une exception française et l’autre face de la caste d’État : le poids des hauts fonctionnaires, et plus précisément celui des grands corps, dans le personnel politique. » (P. 129)

 

  1. Les privilèges de la politique

 

« Encore un exemple à droite. Le polytechnicien Vincent Chiriqui a fait l’ENA en même temps qu’Édouard Philippe. Il devient administrateur civil à Bercy. En 2010, le Premier ministre François Fillon le nomme directeur du Centre d’analyse stratégique, le lointain successeur du Plan, où il est très bien rémunéré : 160.000 euros nets par an. De 2016 à 2017, il est recasé à la Cour des comptes comme rapporteur extérieur. Sa rémunération chute presque de moitié : 96.000 euros nets par an. Il faut dire qu’entre temps il est devenu  maire LR de Bourgoin-Jallieu … » (P. 146)

 

  1. Le partage du gâteau

 


« L’Agence France Presse (AFP) est l’une de ces chasses gardées de la caste d’État. Ses 5 derniers présidents ont fait l’ENA, dont quatre sortis dans les grands corps. Deux au Conseil d’État, deux autres à la Cour des comptes. Filty-fifty. (…) »

 


« Dans l’histoire récente, seuls deux anciens reporters on dirigé l’AFP. (P. 155)

 

  1. Splendeur et décadence du roi Mion

 

« Dans la caste d’État Frédéric Mion occupe une place singulière. Normalien, sorti major de l’ENA, ce haut fonctionnaire de 52 ans n’a pas fait une carrière exceptionnelle. En tout cas, pas aussi remarquable que son parcours universitaire. Mais son carnet d’adresses est probablement le plus impressionnant de Paris. Ses dîners parmi les plus courus de la nomenklatura française. Dans le Tout-Paris du pouvoir, Frédéric Mion compte. Du moins, comptait. » (P. 177)

 

  1. Et maintenant...

 

« Durant la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a promis de s’attaquer aux ‘privilèges hors du temps’ dont bénéficient les hauts fonctionnaires, particulièrement ceux issus des grands corps. De s’en prendre donc à la caste d’État, à ses avantages, son entre-soi et son pouvoir démesuré. A-t-il tenu parole, lui qui vient de ce clan vorace ? »

 

« En matière de transparence des rémunérations, le gouvernement Philippe s’est montré réticent voire hostile à toute amélioration. Il a rejeté les propositions de parlementaires qui exigeaient la publication par la HATVP des salaires individuels des très hauts fonctionnaires. Pourtant, cette obligation de transparence pèse depuis 2013 sur les députés, les sénateurs, les maires et même les conseillers régionaux, souvent bien moins puissants que la plupart des grands commis de l’État. Étrangement, Emmanuel Macron lui-même a refusé de rendre publique sa fiche de paie, bien que la Commission d’accès aux documents administratifs se soit exprimée en faveur de cette communication. »

 

 

« La HARVP dispose d’un effectif insuffisant pour contrôler les réserves émises dans les avis concernant les pantouflages. Et la composition de son collège, l’organe décisionnel, laisse encore trop de place aux grands corps et aux personnalités nommées par le gouvernement. »

 

 

« La caste en place aujourd’hui, dans l’administration, la politique et les grandes entreprises, n’est pas prête à Lâcher les rênes, ni à changer de comportement. »

 

 

« Le poids de l’État dans la richesse nationale ne cessant d’augmenter, notamment depuis le premier confinement, il n’y a aucune raison pour que les grandes entreprises, les cabinets d’avocats d’affaires et le lobbying, les banques, les assurances, etc., renoncent à débaucher des hauts fonctionnaires. D’autant que, malgré sa promesse de 2017, Emmanuel Macron n’a pas remis en cause le droit de tout pantoufleur à revenir dans l’administration. Pas plus qu’il n’a institué l’obligation pour tout fonctionnaire élu à un mandat national ou local d’importance de démissionner de la fonction publique. »

 

 

« La mafia d’État, peut-être affaiblie par ces reformes, a donc encore de beaux jours devant elle. »

(P. 195 à 199)

 

 


Un avis avisé dans Babelio

 

Bon livre mettant en lumière les méthodes employées par « l'élite » française, pour diriger, s'enrichir, et se maintenir au plus haut de l'échelle sociale. L'ouvrage jouit d'un nombre important et qualitatif de sources et de témoignages, ces derniers provenant pour beaucoup de personnalités très proche voire des membre/ex-membre de cette « caste d'état ».

 

(Sogné : Kirua)



[1] D’après Babelio

Nationalité : France
Né(e) : 1959

Vincent Jauvert est un journaliste français né en 1959.

Il est grand reporter au service Monde du Nouvel Observateur. Il tient un blog intitulé "Affaires étrangères".

Dans l'émission Rendez-vous avec X de Patrick Pesnot du 23 février 2013, Vincent Jauvert est évoqué comme étant à l'origine de la révélation en 1998 d'un rapport scientifique classé confidentiel défense issu des archives de la Dircen (Direction des Centres d'Expérimentations nucléaires). Ce document tente d'évaluer l'ampleur, plus importante que prévu, et l'impact sur les zones habitées et les soldats des retombées radioactives de certains essais nucléaires français voulus par De Gaulle en Polynésie française dans les années 60.

2000 "L'Amérique contre de Gaulle - Histoire secrète 1961-1969". Grand reporter au service Monde du Nouvel Observateur, il est l'auteur de Les Intouchables d’État, bienvenue en Macronie (Robert Laffont, 2018), La Face Cachée du Quai d'Orsay (Robert Laffont, 2016) et L'Amérique contre De Gaulle, histoire secrète 1961-1969 (Seuil, 2000).

Il est également co-auteur de deux documentaires télévisés : L'Ami Américain, tiré de son premier ouvrage (FR3, 2001 avec Patrick Jeudy) et Révolution, Mode d'Emploi (Arte, 2007 avec Tania Rackhmanova).

 

[2] Dans ce même blog, article 112. 2022, Le pantouflage nouveau est arrivé - Le Canard enchaîné & Vincent Jauvert

 

[3] Rober Laffont, 2020. « Jamais autant de haut fonctionnaires n'ont pantouflé à prix d'or dans le privé . Jamais autant de ministres n'ont été multimillionnaires . Jamais autant de responsables politiques , et non des moindres , ne sont devenus lobbyistes ou avocats d'affaire . Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi la situation a-t-elle empiré sous Macron ? Après deux ans d'enquête et une quarantaine de témoignages inédits , Vincent Jauvert révèle les mœurs de ces élites si voraces qui ont pris le pouvoir dans le sillage du nouveau président de la république . Il décrit leur course à l'argent, leurs campagnes en coulisse pour dissimuler leurs véritables revenus et leurs conflits d’intérêts. Un document implacable »

 

[4] Cf dans ce blog, article n° 12. Les grands clubs d'influence : "Le Siècle" - Olivier DARD

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