12 novembre 2022

133. Frêt maritique et profits géants - Edouard Ballot - Revue NEXUS


 « Porte-conteneurs - Profits Géants »

 


Un article d’Edouard Ballot

 

Nexus - Novembre/Décembre 2022


 Résumé de l’article du journaliste et écrivain E. Ballot[1], économiste de formation.

 

Avant lire

Quand on recherche les responsabilités de nos malheurs économiques, les grands profiteurs, les grands prédateurs de notre système économique mondial on ne pense pas au premier abord aux grandes compagnies de fret maritime. Ces grandes pollueuses des mers qui attiraient notre regard seulement lors des catastrophes maritimes.

 

L’article de Nexus éclaire le rôle économique de plus en plus destructeur depuis 2020 de compagnies de plus en plus puissantes, de plus en plus  influentes dont le rôle inflationniste actuel n’est pas évident aux yeux du public.

 

Et observons que notre mode d’hyper-consommation de produits délocalisés se fait aussi complice de ces monstres maritimes.

 

 

 

Les compagnies des porte-conteneurs qui sillonnent les océans…

 

Les compagnies géantes des porte-conteneurs qui sillonnent les mers sont dans les faits un « cartel des mers » autorisé dont les énormes profits ne peuvent pas être expliqués par la loi de l’offre et de la demande du marché.

 

En 2020 les importations européennes sont à 80 % acheminées par mer et 10 compagnies géantes exploitent 95 % de la capacité totale des navires. (60 % par les 4 premières compagnies).

 

Des conteneurs devenus des standards mondialistes

 

Le conteneur de 20 à 40 pieds est devenu une unité standard et un outil privilégié de la mondialisation massive. Ces monstres marins, jusqu’à 400 m de long,  portent des piles jusqu’à 24.000 conteneurs pour le commerce mondialisé et permettent des délocalisations parfois absurdes. Comme celle du projet de faire fabriquer nos macarons par l’abondante main d’œuvre chinoise avec des ingrédients transportés depuis l’Europe. Les macarons revenant par million dans un seul conteneur. La rationalité des circuits économiques de la mondialisation n’est pas évidente.

 

Suite au blocus pandémique les tarifs de fret maritime imposés par les grandes compagnies de  porte-conteneurs ont grimpé en flèche, sans que ce soit justifié par les « forces du marché » qui sont la plupart du temps une fable pour reprendre l’expression du journaliste Ballot qui va donner ensuite des exemples de profits de quelques grandes compagnies.

 

Des compagnies européennes en tête

 

La danoise Maersk, n° 2 et la française  CMA CGM, n° 3, des compagnies mondiales ont multiplié leurs profits en 2021: par 6 pour la danoise, par 10 pour la française. Multiplication des profits par 10 également pour la firme allemande Hapag-Lloyd.

 

Le chiffre d’affaire de la  CMA CGM française en hausse en 2021 lui permet un taux de profit de près de 32 %, « un ratio exorbitant, voire impossible dans le transport...».

 

Malgré cela son taux d’impôt en 2021 s’est élevé à 2 %, c’est-à-dire moins que les 27,5 % applicable aux grands groupe. Le manque à gagner pour les recettes de l’État français s’élève à environ 4 milliards. La même CMA  surendettée de plusieurs milliards en 2008/2009  fut  sauvée par l’État français. Edouard Ballot raconte  aussi en partie  le feuilleton judiciaire de l’affaire CMA suite à laquelle l’État serait en droit d’obtenir une réduction de tarif de fret supérieur à ce que consent la CMA CGM à ses clients français.


 

Les 8 plus grandes compagnies ont engrangé un bénéfice d’environ 186 milliards de dollars en 2021.  En 2022 va s’ajouter à ces profits de 2021 le business de l’or en conteneur. «  Il s’agit de profits monstres qui ne relèvent pas d’une éphémère anomalie du marché ».

 

Mieux que le numérique

 

« Même les compagnies géantes du numérique comme Google, du luxe (LVMH) ou de la pharmacie (Sanofi)...ne parviennent pas à ces niveaux de rapt monétaire. TotalEnergie fait presque figure de perdant avec...des bénéfices records en 2021...les plus gros parmi les groupes du CAC 40. »

 

Les profits phénoménaux des compagnies de porte-conteneurs résultent des tarifs de fret maritime en particulier sur les lignes entre la Chine et l’Europe et entre la Chine et la côte ouest des USA. Ces tarifs non justifiés par les lois du marché écrasent d’autres secteurs économiques et participent à l’inflation générale à côté des hausses de prix de l’énergie. Des fédérations professionnelles mises en difficulté par ces tarifs  ont demandé à la Commission Européenne des enquêtes et une révision du régime d’exception des règles européennes de la concurrence, dont bénéficient ces grandes compagnies maritimes, avant son renouvellement en Avril 2024.

 

Les seuls à avoir tenté d’endiguer ce phénomène sont les USA car aucune des 10 plus grandes compagnies ne sont américaines ou anglo-saxonne ;  elles sont européennes et orientales et la dixième est israélienne. Une commission de contrôle et de réforme du Congrès américain a demandé aux compagnies de justifier leurs tarifs et bénéfices spectaculaires.

 

Un haut pouvoir d’influence

 


Les alliances approuvées par l’UE ont favorisé la concentration du secteur et donc le pouvoir d’influence des compagnies sur le marché. Maintenant ces « géants achètent à tout bras des entreprises concurrentes ou situées en aval ou en amont...de même que des compagnies de fret aérien. Leur capacité d’influence sur les prix  ne fait ainsi que se renforcer. »

 

En conclusion de l’article : «  Quand donc les autorités européennes vont-elles acter la nature anticoncurrentielle du fret maritime ? »

 



Canal de Panama




Port de Manzanillo (Panama)

Port de Valparaiso (Chili)



[1] Edouard Ballot, journaliste et écrivain, auteur notamment de BeeBook, Histoire naturelle d’une folie sociale (2019), Tuer le service militaire (1993), La France vue d’un corbillard. (2012). Économiste de formation, il affectionne les enquêtes autour de l’économie, de la nature et des sociétés alternatives.

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