« Les Liquidateurs »
Ce que le macronisme inflige à la France
par Olivier MARLEIX
chez Robert Laffont, février 2021
O.Marleix député d’Eure-et-Loir.
Maire de la ville d’Anet. Prix éthique de l‘association Anticor en 2020. Un des
premiers à dénoncer les mœurs d’une certaine élite au moment de la vente
d’Alstom. Dans cet essai il fait le bilan des années « En Marche » : les
intérêts privés ont définitivement supplanté l’intérêt général.
O. Marleix fait
remarquer d’abord que, du point de vue même de l’Ecole de Chicago, nous ne
sommes plus en économie libérale puisqu’il n’existe plus de règles homogènes du
marché mondial, dans les domaines du travail, de la fiscalité, de l’accès au
capital, etc. En réalité le capitalisme mondial empêche la libre entreprise;
agriculteurs, artisans, PME familiales ne peuvent résister à la concurrence des
produits à bas coût, de la délocalisation, en générale de la concurrence
favorisée par la dérégulation du capitalisme mondial.
Premier acte
En France les moyens
de la redistribution disparaissent. Nous sommes à la fin d’un système dans
lequel sont ponctionnés même ceux qui n’ont plus grand-chose. L’acte le plus
emblématique de cette situation : la première loi de finance du
président Macron, dès son élection, la
suppression des impôts sur les revenus du capital à hauteur de plus de 6
milliards d’euros (ISF), financée par une augmentation de la CSG y compris sur les
revenus les plus modestes (petites retraites).
Macron n’est pas
l’inventeur de la casse sociale et de la mondialisation financière mais il en
est le serviteur le plus zélé. Son quinquennat marque le triomphe de ce
capitalisme « illibéral » avec une recherche à tout prix d’attractivité
immédiate, une hausse continue des dépenses sociales, une explosion de la dette
et des fusions-acquisitions réalisées à un rythme inédit : Alsthom (américain)
Alcatel (finlandais), Lafarge (suisse),
STX-France, Technip, notre TGV national
est devenu canadien, etc.
De la perte
d’Alstom à la casse organisée
Maintenant, avec la
perte d’Alstom, nourri par 70 ans de recherche et de commandes publiques, l’entretien de nos centrales nucléaires et
des turbines du porte-avions Charles-de-Gaulle est confié aux américains. Avec
vente à Nokia d’Alcatel et d’Alcatel Submarine Networks, la France a perdu la
maîtrise d’une entreprise qui réalisait, en 2019, 80 % du trafic de l’Internet mondial. Macron
a laissé Nokia démanteler, par la suppression de milliers d’emplois
d’ingénieurs, nos capacités dans le secteur de la 5 G.
Macron poursuit à un
rythme accéléré la casse organisée à travers la justification par l’Europe :
Désindustrialisation
continue, chômage accru, perte de pouvoir d’achat, de moins en moins de
médecins formés, moins de gares desservies, moins de trains sur les petites
lignes, moins de bureaux de poste, moins de perceptions, moins de services
hospitaliers, moins d’écoles, etc.
Perte de
confiance du citoyen dans la représentation nationale et perte de la
souveraineté de l‘Etat
A juste titre le
système de la démocratie représentative, le mode de représentation, la
sincérité du personnel politique, nos institutions, le sens même de
« citoyen » est mis en doute par le peuple à travers le mouvement des
Gilets Jaunes dont la principale revendication fut le référendum d’initiative
citoyenne (RIC).
La perte de
souveraineté de l’État au profit de l’Europe, baptisée « transfert de
compétences», l’affaiblissement de l’État-nation et la perte de considération
pour notre système de démocratie représentative nous ont conduit à la crise politique actuelle.
Il faut bien
constater que l’Europe, même si on la croit souhaitable, fragilise, dévitalise
nos démocraties en leur soustrayant des compétences et les transforme en
coquilles vides. Les juges de la
CEDH (Convention Européenne des Droits de l’Homme) ou de la CJUE (Cour de Justice de
l’Union Européenne) ont plus de pouvoirs que les Parlements nationaux et leur
imposent leur droit, leur jurisprudence; les conventions européennes, les
traités internationaux sont supérieurs à nos lois. Les nations ne peuvent plus
décider de leurs politiques par exemple pour les procédures pénales, le
contrôle de l’immigration, etc.
Macron en tête de
la dépossession
En 2018 Macron a
franchi une étape supplémentaire dans la dépossession juridique avec le
protocole 16 qui soumet le Conseil d’État et la Cour de Cassation à la CEDH.
A cette perte de
pouvoir par l’extérieure s’ajoutent de nombreux transferts de pouvoirs par la
décentralisation intérieure. A partir de bonnes intentions on est arrivé à des
cartes administratives devenues peu à peu
illisibles depuis 1982. Les départements sont affaiblis au profit des
régions mais non supprimés. L’intercommunalité transforme les petites communes
aussi en coquilles vides.
Et nos impôts locaux ?
Les cantons sont
redessinés, les régions fusionnées, en moins de 20 ans le paysage politique et
administratif de la France
a entièrement été chamboulé et on n’y comprend plus rien. Par exemple qui
comprend à quoi servent les impôts locaux, partagés entre commune, département
et région ? Un contribuable peut voir
ses impôts locaux augmenter alors que sa commune fait l’effort de
réduire ses taux d’imposition, uniquement parce que l’intercommunalité dont
personne ne connaît les responsables politiques, a décidé de les augmenter. On
ne saurait imaginer lien plus déresponsabilisant entre élus et citoyens !
De plus dans un pays
aussi attaché à l’idée d’égalité que la France, les inégalités territoriales ne sont pas
seulement le fait de la plus ou moins grande compétence des élus locaux mais
aussi le fruit de politiques nationales inéquitables attribuant plus de
dotations et de subventions aux territoires les plus riches. Avec des écarts,
en 2014, allant de 14 Euros à 105 Euros par habitant entre commune rurale et
métropole.
Perte de
souveraineté de plus en plus grande
La perte de
souveraineté juridique, la perte de souveraineté populaire, des intérêts
économiques particuliers qui prédominent sur l’intérêt des citoyens auxquels
s’ajoutent les « affaires » qui secouent régulièrement la vie
politique (Par exemple celle d’un ministre du budget, Cahuzac, pris dans une
fraude fiscale massive, avec compte en Suisse) ont conduit à la perte de confiance
qui s’exprime actuellement dans les urnes.
La banalisation des
affaires sous Macron permettent qu’un Président de l’Assemblée puisse être mis
en examen sans susciter de véritable émotion ou qu’un Bayrou, ministre de la Justice peut être chassé
du gouvernement à cause d’une enquête (emploi fictif) puis bombardé
« haut-commissaire » avec rang de super-ministre après sa mise en
examen !
Crise de
l’information : s’informe est devenu compliqué
Maintenant c’est la
crise de l’information qui aggrave encore la crise de confiance. S’informer est
devenu compliqué. Les milieux financiers, quand ils ne contrôlent pas
directement les médias, sont en mesure de multiplier, via des think tanks
ou autres instruments, des informations, des études au service de leur cause.
Ils sont capables d’entretenir des fake news officielles dans le débat
public au service des intérêts économiques de quelques-uns.
Avec le pouvoir macronien,
la question de la confiance a pris une tournure nouvelle. Il ne s’agit plus de
cynisme ordinaire ou de dévouement feint, mais carrément, pour qui travaille
vraiment Emmanuel Macron ? Un
Macron, qui n’est plus à une tartufferie près, dénonce un jour ce qu’il encense
le lendemain ou vice versa, n’a aucune parole et se dément lui-même en quelques
mois ou quelques jours sans vergogne.
Corruption et
trahisons en chaîne
Corruption, manque
de transparence, mensonges, trahison des élus, des hauts fonctionnaires qui
servent leurs intérêts privés ne sont pas des faits nouveaux mais avec
l’arrivée de Macron au pouvoir s’ajoutent les conflits d’intérêts au plus haut
sommet de l’État. On s’interroge maintenant sur l’influence des milieux
d’affaire sur le pouvoir et en particulier sur le Président de la République.
Un Président de la République qui n’hésite
pas à se mettre en scène en hôte des chefs d’entreprise du monde entier à
Versailles ou en accueillant en grande pompe à l’Elysée le patron du plus grand
fonds d’investissement du monde, BlackRock ou qui s’improvise négociateur en
chef de la vente d’Alstom Transports à Evian en 2017. Macron ne craint pas le
mélange des genres, lui qui déjà pendant son ministère sous Hollande, avait
vendu la branche énergie d’Alstom à Général Electric par l’intermédiaire de la
banque qui était son employeur avant son entrée en politique et dont plusieurs
associés ont financé ensuite sa campagne présidentielle.
Pendant les deux
années que Macron passera à Bercy, la place financière de Paris connaîtra son
âge d’or des fusions-acquisitions : ventes de nos industries à un rythme
sans précédent et qui ont engendré des
centaines de millions d’honoraires de conseil dont a profité le
Tout-Paris de la finance.
A quoi répond,
par exemple, la réforme prévue pour les retraites ?
Olivier Marleix
énumère d’autres décisions économiques
prises par Macron ministre, puis ensuite par Macron Président de la République qui jettent le
trouble sur ses motivations réelles.
Des dossiers
troublants montrent à l’évidence son lien avec la haute-finance. Par exemple sa
proposition de réforme des retraites répond au dispositif sollicité par
BlackRock, principal gestionnaire d’actifs au monde. La loi Pacte de Macron,
modifiant en toute discrétion les règles applicables aux produits d’épargne
retraite, est une réforme dont les principaux bénéficiaires seront les fonds
anglo-saxons dont BlackRock.
La réforme des
retraites ferait perdre à la
Sécurité Sociale plus de 60 milliards d’euros correspondant à
la différence entre les pensions qu’il faudrait continuer à verser, aux revenus
partis ou partant à la retraite, pendant une longue période de transition avant
le nouveau « système universel » plafonné à 9000 euros. On
comprend pourquoi le vice-président du géant américain de la finance avait
ouvertement appelé à voter Macron.
Et la scission de
EDF ?
Autre projet
troublant : la scission d’EDF. Un projet qui se révèle ni au service des
Français ni au service des entreprises françaises. Comme le serait la
privatisation d’ATP (autoroutes) heureusement compromise d’abord par une
affaire de corruption puis par la crise
de la covid-19 et l’effondrement de la Bourse.
La transparence
entre le monde des affaires et le pouvoir n’est pas encore d’actualité car la
loi « Sapin 2 » de 2016 est rédigée de façon à faire porter
l’obligation de transparence sur les lobbyistes et non sur les autorités
politiques.
Le rapport de 2019
du « Groupe des états contre la corruption » du Conseil de l’Europe
(GRECO) souligne qu’en France le maillon faible de l’influence et de la
corruption est le contact avec le Président de la république, le Premier
ministre ou les ministres, à leur initiative. Il y est écrit: « ...Les
membres de l’exécutif, y compris le
Président de la république, devraient donc faire état publiquement et à
intervalles réguliers des lobbyistes rencontrés et des questions abordées. »
Les décisions prises
par les dirigeants politiques de la
France sont-elles dans l’intérêt général ou pour servir
d’autres intérêts que ceux du peuple français ? Les vertus civiques qui
s’imposent aux citoyens devraient davantage encore concerner ceux qui accèdent
aux responsabilités.
Le capitalisme de
connivence
O. Marleix dénonce
un capitalisme de connivence en haut et toujours plus d’étatisme en bas, marque
d’un illibéralisme dont Macron est le champion. C’est l’inverse
de ce qui serait souhaitable pour Olivier Marleix : laisser respirer les
entrepreneurs en bas et défendre, en haut, les intérêts nationaux par une
concurrence loyale sur le marché.
Autre problème qui
plombe la France :
des économies sont faites en supprimant des services publics en bout de
chaîne dans les territoires ruraux mais
les emplois des hauts fonctionnaires dans les administrations centrales, plus
coûteux, sont conservés. En 2017 les
grands administrateurs rémunérés « hors échelle lettres »
c’est-à-dire à un niveau au moins équivalent à un parlementaire sont 70.000 au
lieu de 25.000 avant la décentralisation en 1985. En supprimant 10 % de
cet effectif accru par un chamboulement inepte du paysage administratif, on
économiserait immédiatement 1 milliard. (A cela s’ajoute la gabegie des
salaires des «Intouchables d’Etat» : résumé de l’enquête de V.
Jaubert à lire dans le blog, articles 10 et 11 de
décembre 2020)
Incohérences et
double langage : la parole d l’État dévaluée
Olivier Marleix souligne
ensuite toutes les incohérences entre le discours de Macron et ses actions
politiques. Dans la France de Macron la
politique industrielle est faite par les banques d’affaires au service de la
rentabilité du capital et non au service des salariés ou de l’intérêt
industriel du pays. Mais il est vrai que cela fut favorisé par la casse de
l’industrie française depuis 30 ans avec des partis de gauche comme de droite
au pouvoir, la montée en puissance d’investisseurs étrangers depuis les années
1990, qui aboutissent à ce que la
France soit devenue un terrain de jeu pour l’industrie
mondiale de la finance.
La France de 2020 est incapable de faire face aux
besoins de sa population : masques, tests, lits d’hôpital, etc. Les aides
accordées à Renault, Air France vont en réalité accélérer les restructurations
annoncées avant 2020. Par exemple, Air
France en contrepartie des 7 milliards d’aides va supprimer 40 % de sa
desserte du territoire national, réduire
de 30 % ses effectifs français et confier des tâches à des sociétés de
service étrangères. Même chose avec Renault qui supprime 5000 emplois en
France.
Nous n’avons
déjà presque plus le contrôle de notre
économie et de notre appareil productif industriel. Et l’attractivité auprès
d’investisseur étrangers, qui est l’alpha et l’oméga de la politique de Macron,
si elle facilite une augmentation du capital à un moment donné, entraînera
encore une perte de contrôle à terme. Tout en faisant semblant de défendre
notre patrimoine industriel mais sans grande résolution au quotidien dans
l’action politique.
Olivier Marleix
passe en revue tous les inconvénients, poids financiers et désastres sociaux,
pour les citoyens européens, conséquences de l’Europe néolibérale actuelle.
La France vit à crédit
La France vit à crédit depuis 50 ans et y perd chaque
jour un peu plus de sa souveraineté. Sa souveraineté financière et un moyen de
réduire la dépense publique sont est des enjeux importants à plus ou moins
brève échéance.
Il fait remarquer la
confusion entretenue entre « protection sociale » qui repose
sur la cotisation et le reste des « aides sociales » financées
par l’impôt. La protection sociale représente des acquis sociaux auxquels les
français sont attachés et qui ont un coût mais, écrit-il, « ce n’est
pas eux qui ont creusé la dette française ! » Il explique les
risques que les réformes de Macron font courir à notre système de protection
sociale et tous les désavantages sociaux qui vont s’en suivre.
Macron champion
moderne de la start-up nation n’a pas un brillant bilan : « Beaucoup
de communication, un peu de levées de fonds et quelques pincées d’entre-soi ».
Sa nouvelle économie nous a attiré les GAFAM, qui dictent leurs lois et demain
les Chinois…
Sa séduction a opéré
sur les entrepreneurs du numérique et un électorat de jeunes diplômés rêvant de
devenir milliardaires… Mais, à part la communication, les réceptions et les
annonces avec tambours et trompettes, le bilan de Macron n’est pas à la hauteur
des espérances. Le décalage entre le récit et la réalité est très grand. La France a perdu
entre 2017 et 2019 deux places parmi les 100 pays analysés en fonction de leur
attractivité pour les start-up, derrière l’Espagne et devant la Finlande : beaucoup
de bruit pour rien !
Macron incarne
une imposture
Pour Olivier
Marleix, E. Macron incarne une des pires impostures de notre histoire. Macron
s’est fait passer pour l’homme qui allait rompre avec le « système »
et incarner une « révolution », titre du livre-programme qu’il
a publié à la veille de son élection, mais il n’a pas proposé un nouveau monde
plus juste, il représente la rencontre du mondialisme, de l’économie de marché
et de la social-démocratie : rien de nouveau sous l’horizon.
Dans le macronisme
une bourgeoisie libérale sur le plan économique et conservatrice sur le plan
social est réunifiée pour former son
« bloc élitaire » selon la formule du politologue Jérôme
Sainte-Marie. Macron est plébiscité par une France heureuse non concernée
par ses réformes et parfaitement adaptée à la mondialisation, qui ne veut rien
changer pour elle-même mais ne veut pas apparaître conservatrice.
Quid de
l’électorat de Macron ? Du ‘sauve-qui-peut
des biens pensants’ aux Gilets Jaunes !
L’électorat de Macro
en 2017 est plutôt urbain, plus diplômé et plus riche selon les études
d’opinion. On y trouve les 0,1 % les plus riches, la bourgeoisie
parisienne et une petite bourgeoisie qui, par mimétisme, vote aussi Macron dans
un intérêt de classe qui n’est en réalité pas le sien.
Macron doit
également sa victoire à l’union des élites politiques de gauche et de droite
tentées de s’unir pour faire front face aux populismes et pour s’accrocher au
pouvoir : Le sauve-qui-peut des biens pensants !
La crise des Gilets Jaunes fut le ressac de
cette grande tromperie orchestrée autour de Macron avec le concours d’une élite
qui s’imagine qu’elle peut s’affranchir du peuple.