17 novembre 2021

68.Ce que le macronisme inflige à la France - Olivier Marleix

 

« Les Liquidateurs »

Ce que le macronisme inflige à la France

par Olivier MARLEIX

chez Robert Laffont, février 2021

 


O.Marleix député d’Eure-et-Loir. Maire de la ville d’Anet. Prix éthique de l‘association Anticor en 2020. Un des premiers à dénoncer les mœurs d’une certaine élite au moment de la vente d’Alstom. Dans cet essai il fait le bilan des années « En Marche » : les intérêts privés ont définitivement supplanté l’intérêt général.

 

O. Marleix fait remarquer d’abord que, du point de vue même de l’Ecole de Chicago, nous ne sommes plus en économie libérale puisqu’il n’existe plus de règles homogènes du marché mondial, dans les domaines du travail, de la fiscalité, de l’accès au capital, etc. En réalité le capitalisme mondial empêche la libre entreprise; agriculteurs, artisans, PME familiales ne peuvent résister à la concurrence des produits à bas coût, de la délocalisation, en générale de la concurrence favorisée par la dérégulation du capitalisme mondial.

 

Premier acte

 

En France les moyens de la redistribution disparaissent. Nous sommes à la fin d’un système dans lequel sont ponctionnés même ceux qui n’ont plus grand-chose. L’acte le plus emblématique de cette situation : la première loi de finance du président  Macron, dès son élection, la suppression des impôts sur les revenus du capital à hauteur de plus de 6 milliards d’euros (ISF), financée par une augmentation de la CSG y compris sur les revenus les plus modestes (petites retraites).

 

Macron n’est pas l’inventeur de la casse sociale et de la mondialisation financière mais il en est le serviteur le plus zélé. Son quinquennat marque le triomphe de ce capitalisme « illibéral » avec une recherche à tout prix d’attractivité immédiate, une hausse continue des dépenses sociales, une explosion de la dette et des fusions-acquisitions réalisées à un rythme inédit : Alsthom (américain) Alcatel  (finlandais), Lafarge (suisse), STX-France, Technip, notre  TGV national est devenu canadien, etc.

 

De la perte d’Alstom à la casse organisée

 

Maintenant, avec la perte d’Alstom, nourri par 70 ans de recherche et de commandes publiques,  l’entretien de nos centrales nucléaires et des turbines du porte-avions Charles-de-Gaulle est confié aux américains. Avec vente à Nokia d’Alcatel et d’Alcatel Submarine Networks, la France a perdu la maîtrise d’une entreprise qui réalisait, en 2019,  80 % du trafic de l’Internet mondial. Macron a laissé Nokia démanteler, par la suppression de milliers d’emplois d’ingénieurs, nos capacités dans le secteur de la 5 G.

 

Macron poursuit à un rythme accéléré la casse organisée à travers la justification par l’Europe :

Désindustrialisation continue, chômage accru, perte de pouvoir d’achat, de moins en moins de médecins formés, moins de gares desservies, moins de trains sur les petites lignes, moins de bureaux de poste, moins de perceptions, moins de services hospitaliers, moins d’écoles, etc.

 

Perte de confiance du citoyen dans la représentation nationale et perte de la souveraineté de l‘Etat

 

A juste titre le système de la démocratie représentative, le mode de représentation, la sincérité du personnel politique, nos institutions, le sens même de « citoyen » est mis en doute par le peuple à travers le mouvement des Gilets Jaunes dont la principale revendication fut le référendum d’initiative citoyenne (RIC).

 

La perte de souveraineté de l’État au profit de l’Europe, baptisée « transfert de compétences», l’affaiblissement de l’État-nation et la perte de considération pour notre système de démocratie représentative nous ont conduit  à la crise politique actuelle.

 

Il faut bien constater que l’Europe, même si on la croit souhaitable, fragilise, dévitalise nos démocraties en leur soustrayant des compétences et les transforme en coquilles vides. Les juges de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l’Homme) ou de la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) ont plus de pouvoirs que les Parlements nationaux et leur imposent leur droit, leur jurisprudence; les conventions européennes, les traités internationaux sont supérieurs à nos lois. Les nations ne peuvent plus décider de leurs politiques par exemple pour les procédures pénales, le contrôle de l’immigration, etc.

 

Macron en tête de la dépossession

 

En 2018 Macron a franchi une étape supplémentaire dans la dépossession juridique avec le protocole 16 qui soumet le Conseil d’État et la Cour de Cassation à la CEDH.

 

A cette perte de pouvoir par l’extérieure s’ajoutent de nombreux transferts de pouvoirs par la décentralisation intérieure. A partir de bonnes intentions on est arrivé à des cartes administratives devenues peu à peu  illisibles depuis 1982. Les départements sont affaiblis au profit des régions mais non supprimés. L’intercommunalité transforme les petites communes aussi en coquilles vides.

 

Et nos impôts locaux ?

 

Les cantons sont redessinés, les régions fusionnées, en moins de 20 ans le paysage politique et administratif de la France a entièrement été chamboulé et on n’y comprend plus rien. Par exemple qui comprend à quoi servent les impôts locaux, partagés entre commune, département et région ? Un contribuable peut voir  ses impôts locaux augmenter alors que sa commune fait l’effort de réduire ses taux d’imposition, uniquement parce que l’intercommunalité dont personne ne connaît les responsables politiques, a décidé de les augmenter. On ne saurait imaginer lien plus déresponsabilisant entre élus et citoyens !

 

De plus dans un pays aussi attaché à l’idée d’égalité que la France, les inégalités territoriales ne sont pas seulement le fait de la plus ou moins grande compétence des élus locaux mais aussi le fruit de politiques nationales inéquitables attribuant plus de dotations et de subventions aux territoires les plus riches. Avec des écarts, en 2014, allant de 14 Euros à 105 Euros par habitant entre commune rurale et métropole.

 

Perte de souveraineté de plus en plus grande

 

La perte de souveraineté juridique, la perte de souveraineté populaire, des intérêts économiques particuliers qui prédominent sur l’intérêt des citoyens auxquels s’ajoutent les « affaires » qui secouent régulièrement la vie politique (Par exemple celle d’un ministre du budget, Cahuzac, pris dans une fraude fiscale massive, avec compte en Suisse) ont conduit à la perte de confiance qui s’exprime actuellement dans les urnes.

 

La banalisation des affaires sous Macron permettent qu’un Président de l’Assemblée puisse être mis en examen sans susciter de véritable émotion ou qu’un Bayrou, ministre de la Justice peut être chassé du gouvernement à cause d’une enquête (emploi fictif) puis bombardé « haut-commissaire » avec rang de super-ministre après sa mise en examen !

 

Crise de l’information : s’informe est devenu compliqué

 

Maintenant c’est la crise de l’information qui aggrave encore la crise de confiance. S’informer est devenu compliqué. Les milieux financiers, quand ils ne contrôlent pas directement les médias, sont en mesure de multiplier, via des think tanks ou autres instruments, des informations, des études au service de leur cause. Ils sont capables d’entretenir des fake news officielles dans le débat public au service des intérêts économiques de quelques-uns.

 

Avec le pouvoir macronien, la question de la confiance a pris une tournure nouvelle. Il ne s’agit plus de cynisme ordinaire ou de dévouement feint, mais carrément, pour qui travaille vraiment  Emmanuel Macron ? Un Macron, qui n’est plus à une tartufferie près, dénonce un jour ce qu’il encense le lendemain ou vice versa, n’a aucune parole et se dément lui-même en quelques mois ou quelques jours sans vergogne.

 

Corruption et trahisons en chaîne


Corruption, manque de transparence, mensonges, trahison des élus, des hauts fonctionnaires qui servent leurs intérêts privés ne sont pas des faits nouveaux mais avec l’arrivée de Macron au pouvoir s’ajoutent les conflits d’intérêts au plus haut sommet de l’État. On s’interroge maintenant sur l’influence des milieux d’affaire sur le pouvoir et en particulier sur le Président de la République.

 

Un Président de la République qui n’hésite pas à se mettre en scène en hôte des chefs d’entreprise du monde entier à Versailles ou en accueillant en grande pompe à l’Elysée le patron du plus grand fonds d’investissement du monde, BlackRock ou qui s’improvise négociateur en chef de la vente d’Alstom Transports à Evian en 2017. Macron ne craint pas le mélange des genres, lui qui déjà pendant son ministère sous Hollande, avait vendu la branche énergie d’Alstom à Général Electric par l’intermédiaire de la banque qui était son employeur avant son entrée en politique et dont plusieurs associés ont financé ensuite sa campagne présidentielle.

 

Pendant les deux années que Macron passera à Bercy, la place financière de Paris connaîtra son âge d’or des fusions-acquisitions : ventes de nos industries à un rythme sans précédent et qui ont engendré des  centaines de millions d’honoraires de conseil dont a profité le Tout-Paris de la finance.

 

A quoi répond, par exemple, la réforme prévue pour les retraites ?

 

Olivier Marleix énumère d’autres  décisions économiques prises par Macron ministre, puis ensuite par Macron Président de la République qui jettent le trouble sur ses motivations réelles.

Des dossiers troublants montrent à l’évidence son lien avec la haute-finance. Par exemple sa proposition de réforme des retraites répond au dispositif sollicité par BlackRock, principal gestionnaire d’actifs au monde. La loi Pacte de Macron, modifiant en toute discrétion les règles applicables aux produits d’épargne retraite, est une réforme dont les principaux bénéficiaires seront les fonds anglo-saxons dont BlackRock.

 

La réforme des retraites ferait perdre à la Sécurité Sociale plus de 60 milliards d’euros correspondant à la différence entre les pensions qu’il faudrait continuer à verser, aux revenus partis ou partant à la retraite, pendant une longue période de transition avant le nouveau « système universel » plafonné à 9000 euros. On comprend pourquoi le vice-président du géant américain de la finance avait ouvertement appelé à voter Macron.

 

Et la scission de EDF ?

 

Autre projet troublant : la scission d’EDF. Un projet qui se révèle ni au service des Français ni au service des entreprises françaises. Comme le serait la privatisation d’ATP (autoroutes) heureusement compromise d’abord par une affaire de corruption puis par  la crise de la covid-19 et l’effondrement de la Bourse.

 

La transparence entre le monde des affaires et le pouvoir n’est pas encore d’actualité car la loi « Sapin 2 » de 2016 est rédigée de façon à faire porter l’obligation de transparence sur les lobbyistes et non sur les autorités politiques.

 

Le rapport de 2019 du « Groupe des états contre la corruption » du Conseil de l’Europe (GRECO) souligne qu’en France le maillon faible de l’influence et de la corruption est le contact avec le Président de la république, le Premier ministre ou les ministres, à leur initiative. Il y est écrit: « ...Les membres de l’exécutif, y compris le  Président de la république, devraient donc faire état publiquement et à intervalles réguliers des lobbyistes rencontrés et des questions abordées. »

 

Les décisions prises par les dirigeants politiques de la France sont-elles dans l’intérêt général ou pour servir d’autres intérêts que ceux du peuple français ? Les vertus civiques qui s’imposent aux citoyens devraient davantage encore concerner ceux qui accèdent aux responsabilités.

 

Le capitalisme de connivence

 

O. Marleix dénonce un capitalisme de connivence en haut et toujours plus d’étatisme en bas, marque d’un illibéralisme dont Macron est le champion. C’est l’inverse de ce qui serait souhaitable pour Olivier Marleix : laisser respirer les entrepreneurs en bas et défendre, en haut, les intérêts nationaux par une concurrence loyale sur le marché.

 

Autre problème qui plombe la France : des économies sont faites en supprimant des services publics en bout de chaîne  dans les territoires ruraux mais les emplois des hauts fonctionnaires dans les administrations centrales, plus coûteux, sont conservés. En 2017  les grands administrateurs rémunérés « hors échelle lettres » c’est-à-dire à un niveau au moins équivalent à un parlementaire sont 70.000 au lieu de 25.000 avant la décentralisation en 1985. En supprimant 10 % de cet effectif accru par un chamboulement inepte du paysage administratif, on économiserait immédiatement 1 milliard. (A cela s’ajoute la gabegie des salaires des «Intouchables d’Etat» : résumé de l’enquête de V. Jaubert  à  lire dans le blog, articles 10 et 11 de décembre 2020)

 

Incohérences et double langage : la parole d l’État dévaluée

 

Olivier Marleix souligne ensuite toutes les incohérences entre le discours de Macron et ses actions politiques.  Dans la France de Macron la politique industrielle est faite par les banques d’affaires au service de la rentabilité du capital et non au service des salariés ou de l’intérêt industriel du pays. Mais il est vrai que cela fut favorisé par la casse de l’industrie française depuis 30 ans avec des partis de gauche comme de droite au pouvoir, la montée en puissance d’investisseurs étrangers depuis les années 1990, qui aboutissent à ce que la France soit devenue un terrain de jeu pour l’industrie mondiale de la finance.

 

La France de 2020 est incapable de faire face aux besoins de sa population : masques, tests, lits d’hôpital, etc. Les aides accordées à Renault, Air France vont en réalité accélérer les restructurations annoncées avant 2020.  Par exemple, Air France en contrepartie des 7 milliards d’aides va supprimer 40 % de sa desserte du territoire national,  réduire de 30 % ses effectifs français et confier des tâches à des sociétés de service étrangères. Même chose avec Renault qui supprime 5000 emplois en France.

 

Nous n’avons déjà  presque plus le contrôle de notre économie et de notre appareil productif industriel. Et l’attractivité auprès d’investisseur étrangers, qui est l’alpha et l’oméga de la politique de Macron, si elle facilite une augmentation du capital à un moment donné, entraînera encore une perte de contrôle à terme. Tout en faisant semblant de défendre notre patrimoine industriel mais sans grande résolution au quotidien dans l’action politique.

 

Olivier Marleix passe en revue tous les inconvénients, poids financiers et désastres sociaux, pour les citoyens européens, conséquences de l’Europe néolibérale actuelle.

 

La France vit à crédit

 

La France vit à crédit depuis 50 ans et y perd chaque jour un peu plus de sa souveraineté. Sa souveraineté financière et un moyen de réduire la dépense publique sont est des enjeux importants à plus ou moins brève échéance.

 

Il fait remarquer la confusion entretenue entre « protection sociale » qui repose sur la cotisation et le reste des « aides sociales » financées par l’impôt. La protection sociale représente des acquis sociaux auxquels les français sont attachés et qui ont un coût mais, écrit-il, « ce n’est pas eux qui ont creusé la dette française ! » Il explique les risques que les réformes de Macron font courir à notre système de protection sociale et tous les désavantages sociaux qui vont s’en suivre.

 

Macron champion moderne de la start-up nation n’a pas un brillant bilan : « Beaucoup de communication, un peu de levées de fonds et quelques pincées d’entre-soi ». Sa nouvelle économie nous a attiré les GAFAM, qui dictent leurs lois et demain les Chinois…

Sa séduction a opéré sur les entrepreneurs du numérique et un électorat de jeunes diplômés rêvant de devenir milliardaires… Mais, à part la communication, les réceptions et les annonces avec tambours et trompettes, le bilan de Macron n’est pas à la hauteur des espérances. Le décalage entre le récit et la réalité est très grand. La France a perdu entre 2017 et 2019 deux places parmi les 100 pays analysés en fonction de leur attractivité pour les start-up, derrière l’Espagne et devant la Finlande : beaucoup de bruit pour rien !

 

Macron incarne une imposture

 

Pour Olivier Marleix, E. Macron incarne une des pires impostures de notre histoire. Macron s’est fait passer pour l’homme qui allait rompre avec le « système » et incarner une « révolution », titre du livre-programme qu’il a publié à la veille de son élection, mais il n’a pas proposé un nouveau monde plus juste, il représente la rencontre du mondialisme, de l’économie de marché et de la social-démocratie : rien de nouveau sous l’horizon.

 

Dans le macronisme une bourgeoisie libérale sur le plan économique et conservatrice sur le plan social est  réunifiée pour former son « bloc élitaire » selon la formule du politologue Jérôme Sainte-Marie. Macron est plébiscité par une France heureuse non concernée par ses réformes et parfaitement adaptée à la mondialisation, qui ne veut rien changer pour elle-même mais ne veut pas apparaître conservatrice.

 

Quid de l’électorat de Macron ? Du ‘sauve-qui-peut des biens pensants’ aux Gilets Jaunes !

 

 

L’électorat de Macro en 2017 est plutôt urbain, plus diplômé et plus riche selon les études d’opinion. On y trouve les 0,1 % les plus riches, la bourgeoisie parisienne et une petite bourgeoisie qui, par mimétisme, vote aussi Macron dans un intérêt de classe qui n’est en réalité pas le sien.

 

Macron doit également sa victoire à l’union des élites politiques de gauche et de droite tentées de s’unir pour faire front face aux populismes et pour s’accrocher au pouvoir : Le sauve-qui-peut des biens pensants !

 

La crise des Gilets Jaunes fut le ressac de cette grande tromperie orchestrée autour de Macron avec le concours d’une élite qui s’imagine qu’elle peut s’affranchir du peuple.

 

 

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