14 novembre 2021

67.La 'Nécessaire souveraineté' - Coralie DELAUME

 

« Nécessaire Souveraineté »

Coralie DELAUME

Michalon Éditeur, 2021 Préface de Natacha Polony

Ouvrage (inachevé) posthume

 

Coralie Delaume décédée précocement en 2020 a laissé inachevé ce texte.  Commissaires aux armées, puis bloggeuse, journaliste et essayiste, fondatrice de « L’arène nue » elle a publié 4  ouvrages : «Europe, les Etats désunis  (2014), La fin de l’Union européenne (2017), Le couple franco-allemand n’existe pas ( 2018), et 10+1 questions sur l’Union européenne (2019), en collaboration avec David Cayla.

En préface N. Polony souligne que le titre du livre n’est pas un vœu pieux mais un diagnostic et exprime son estime pour le combat de Coralie Delaume dénonçant la forfaiture intellectuelle consistant à assimiler le souverainisme à un identitarisme.  « Alors que souveraineté n’est que l’autre nom de démocratie, faire de sa défense une forme de nationalisme et de fermeture à l’autre permet de maquiller en noble ouverture le contournement systématique de toutes les institutions démocratiques par des instances indépendantes c’est-à-dire non élues.»

 

Résumé et extraits du livre 

 

Consciemment ou non nous vivons sous l’empire de l’idéologie du « Consensus de Washington » inspiré en 1990 par l’économiste John Williamson qui propose que soient  appliqués partout le libre-échange, la privation des entreprises publiques, la discipline fiscale et la baisse des dépenses publiques, la fixation des taux d’intérêts par les seuls marchés financiers ou la dérégulation des marchés de biens et de services.

Ces préconisations techniques du néo-libéralisme sont bien connues car largement pratiquées aujourd’hui. Mais ce qu’on connaît moins, nous explique Coralie Delaume, c’est la vision du monde, la conception philosophique du monde qui sous-tend le néo-libéralisme et ses conséquences.  Celle-ci pose la primauté de l’économie sur le politique et à terme cela mène à la négation de la démocratie. 

Le théoricien de la société néolibérale, Friedrich Hayek, dès 1939, décrivait sa fédération économique européenne idéale dans laquelle était abolie la notion de souveraineté populaire  et dont le principe organisateur de la société était le marché et la concurrence, sorte de pilote automatique qui ne devait pas être gêné par l’Etat, et dont le mécanisme ne devait pas être empêché ou modifié par les gouvernements, les parlements ou les citoyens.

« La construction européenne ressemble de manière frappante à ce qu’il prescrivait.» « Les états membres ont perdu une part sans cesse croissante de leur capacité positive d’agir à mesure qu’ils s’enserraient dans la mondialisation néolibérale. »

Une partie essentielle de la capacité d’agir est maintenant transférée à des entités indépendantes, non élues, comme par exemple la Banque Centrale Européenne, La Commission ou la Cour de Justice de l’UE, etc. qui participent à « l’étiolement des souverainetés nationales.»

« L’UE est supranationale et non intergouvernementale, ce qui suppose des transferts de souveraineté et non la simple mise en commun de compétences. Or transférer sa souveraineté, c’est y renoncer. C’est en cela que l’Europe telle qu’elle existe est attentatoire à la souveraineté des états membres. Mais pas uniquement. Elle l’est aussi parce qu’elle et néolibérale. Or en régime néolibérale, un certain nombre de choix sont proscrits, notamment ceux qui pourrait perturber le fonctionnement du marché.»

Et ce qui perturbe le fonctionnement du marché du point de vue néolibéral c’est tout ce qui est bien public, tout ce qui est décidé démocratiquement.

L’État demeure très présent mais pour agir de façon « à créer les conditions d’une concurrence efficace et assurer que rien ne vienne l’entraver... Sa mission consiste à produire l’armature juridique nécessaire au déploiement le plus parfait possible du marché...». « La dérégulation exige de produire beaucoup de normes.» Paradoxalement plus l’état déréglemente en faveur du marché plus il produit de règlements, de loi et d’ordonnances pour « faire sauter les protections sociales considérées comme des entraves à l’ajustement des prix.» « Les parlements transposent des paquets de textes venus de Bruxelles. »

Les états membres ne peuvent plus jouer leur rôle de redistribution. La société est nié par le néolibéralisme qui ne considère que des individus mus par des intérêts personnels, des calculs égoïstes.

 En France depuis 1983  les mêmes politiques ont été menées par la gauche et la droite pour en arriver où nous en sommes en 2021, « l’impuissance politique dans le cadre de la mondialisation néolibérale et d’une Europe supranationale ‘gouvernancée’ par des indépendantes » ou par des experts au service d’une ploutocratie.

L’UE n’est rien d’autre qu’une petite mondialisation pure et parfaite...immédiatement branchée sur la grande. Elle est le foyer du néolibéralisme maximal, la région du monde où l’on observe dans leur expression la plus aboutie la mise en marché de toute chose d’une part, la montée en puissance, l’autonomisation et la politisation des technocraties et autres ‘indépendantes’ d’autre part.» « L’UE possède également des caractéristiques propres aux empires...Elle est régulièrement comparée au Saint-Empire romain germanique..»


Coralie Delaume dénonce « l’européisme» la religion séculière au nom de laquelle tout est permis, y compris d’ignorer les plus claires expressions de la souveraineté populaire. Pour Coralie Delaume la souveraineté populaire souhaitable dépend de la souveraineté nationale donc de l’indépendance nationale. Et « cela implique que toutes les nations sont égales. Ce principe n’est jamais réalisé dans les faits puisque les rapports entre nations sont des rapports de force...» Elle rappelle l’article 3 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ( «Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ») ainsi que  celui de la Constitution de 1958 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »



Nos infrastructures publiques sont peu à peu vendues. La liquidation de la France est en accélération avec Macron qui ne cesse « d’ appuyer  sur le champignon néolibéral » (Voir « Les Liquidateurs. Ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir. » d’Olivier Marleix, Laffont, 2021, bientôt dans le blog).

Avec Macron il semble que nous soyons entrés « dans une phase de radicalisation autoritaire néolibérale, dans laquelle l’État ...est également le censeur chargé de réprimer la contestation ...La dureté  avec laquelle  ont été traités les Gilets Jaunes...les milliards...déversés sur les entreprises sans prise de contrôle, sans même d’exigence que soient préservés les emplois, pourraient être le signe d’une telle évolution. On se dirigerait alors vers une montée continue de la violence, un ensauvagement des sociétés et la perspective de solutions politiques aventureuses.»
 

Les réactions à la suprématie de l’économie néolibérale dans les populations des états membres sont les montées du populisme identitaire, les refuges dans le communautarisme, dans l’identité d’une communauté, des mouvements sociaux comme les Gilets Jaunes ou la résignation qui s’exprime par exemple en France dans l’absentéisme aux divers votes.

Elle signale que « le discours populiste est aussi un discours fort sur la nation qu’on lui a tout bonnement abandonné. Pourtant, la nation est le réceptacle de la souveraineté populaire, le cadre d’exercice de la démocratie. La nation est également un riche legs de souvenirs, c’est-à-dire une histoire.»

Elle remarque que la dissolution des nations dans le marché  s’accompagne d’un « discours dépréciatif tant euro-libéral que de gauche...» Elle regrette que nos élites concourent à la perte de confiance en la France soi-disant « trop petite, trop dispendieuse, trop coupable, et de tout: esclavage, pétainisme, colonialisme», etc.

C. Delaume propose de remettre en question la place accordée au libre-échange, à la concurrence, au rôle des marchés, d’abandonner probablement l’euro, de réécrire les traités européens, de réaliser une véritable coopération gouvernementale à la place de la supranationalité, de pratiquer de vraies politiques industrielles et de développement des services publics sous l’égide d’un État planificateur qui ne serait plus le  régulateur et assureur du marché qu’il est devenu.



 

Postface : Commentaire personnel élargi

 

Dans l’histoire européenne, la France apparaît comme une des nations les plus stables et la plus unifiée avec son Etat centralisateur qui était puissant. Les Français se sentent, ou du moins, se sentaient appartenir à une culture commune à laquelle des Français d’opinions et d’origines diverses s’identifiaient. Il y a donc bien une culture française qui agissait comme facteur d’unité civilisatrice, quoi qu’en dise M. Macron qui affirmait, en février 2017 : « Il n’y a pas une culture française...»

 

M. Macron arrivé au pouvoir grâce à l’argent corrupteur d’une oligarchie apatride et fer de lance d’une « nouvelle normalité » et participe à la désintégration de cette culture française par sa politique orchestrée de l’extérieur sous influence de multinationales sino-américaines.

 

Cette culture française est également dévaluée depuis quelque temps par des élites intellectuelles et politiques françaises qui ajoutent leur note discordante à l’acculturation du divertissement sous influence américaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale et à une récente culture politico-religieuse issue d’une minorité islamiste, complètement étrangère à la culture française.

 

Par inconscience, naïveté ou lâcheté, des « progressistes », facilitent l’implantation de la nouvelle civilisation technicienne à fondre tout le monde en une masse indifférenciée, consumériste et honteuse de son héritage national, en France et ailleurs.

 

Nous sommes même invités, maintenant en France, à être honteux d’être blanc. Comme si le peuple français devait prendre à sa charge la culpabilité de l’esclavagisme pratiqué par une riche élite de son passé et en occultant que les premiers négriers esclavagistes ont été des rois noirs africains qui vendaient leurs sujets, suivis par des peuples musulmans qui ont pratiqué aussi, en second, un esclavagisme important.

 

Reprendre l’étude de véritables ouvrages historiques me semble urgent à notre époque où l'histoire est revue et corrigée par des manipulateurs politiques au service de la "nouvelle normalité" mondialiste.

 

Dans ce contexte parler de nation et de souveraineté culturelle ou nationale est devenu inconvenant et grossier.

 

C’est pourquoi le petit livre de Coralie Delaume qui remet des concepts à leur place et réhabilite les notions de nation et de souveraineté attribuées indûment à un populisme péjoratif me semble d’actualité.

 

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