« L’Horreur fiscale »
Irène Inchauspé[1] et Sylvie Hattemer[2]
Fayard, 2014
Le hold-up fiscal permanent
Quand les impôts sont excessifs, ils provoquent la fraude.
Jean-Baptiste
Say (Les pensées détachées, 1818)
Avant-propos
« Cocorico, la France est championne d’Europe… des impôts et cotisations sociales », titrait le 29 novembre 2018, le site Statista[3], qui poursuit, sous la plume de Claire Jenik[4] « En plein mouvement des gilets jaunes, Eurostat vient de publier son classement des pays qui taxent le plus dans l'Union européenne.
Pour la troisième année consécutive, la France affiche en effet le plus haut niveau de
taxation: l'année dernière, les recettes fiscales (impôts, taxes et
cotisations) ont pesé pour 48,4 % du PIB dans l'Hexagone contre 47,3 % en
Belgique et 46,5 % au Danemark. Ni l’impôt sur le revenu, ni celui sur le
patrimoine ou sur la production expliquent le niveau de fiscalité de la France par rapport à ses
voisins européens. »
"L’Horreur fiscale" : présentation et commentaires
Sylvie Hattemer grand reporter au Nouvel Economiste puis à Challenges
Irène Inchauspé journaliste à l’Opinion, co-auteur avec François de Closets de L’Echéance(Fayard 2011.
Ces deux journalistes décrivent, après enquête, dans ce livre édifiant, publié en 2014 «un système déréglé, incohérent, opaque et injuste» et de plus dont «la rafle fiscale ne sert à rien» vue la progression de la dette.
Après avoir « épluché des quantités de rapports, rencontré des experts, soulevé les tapis...nous avons découvert chaque fois une nouvelle horreur. Opacité, créativité nuisible, manque de cohérence, idées reçues, démonstrations biaisées, fausses solutions » qui seront décrites, preuves à l’appui au long des pages de cet ouvrage.
Pas les plus riches, non…
Elles dénoncent la gauche au pouvoir qui « dans l’urgence, pressée de remplir les caisses » ont aggravé la situation fiscale et « tué le système d’intéressement qui existait depuis un demi-siècle.» En fiscalisant les mutuelles, en continuant à raboter le quotient familial, etc. et ce ne sont pas les plus riches qui sont ainsi pénalisés mais « ce sont toujours les classes moyennes qui trinquent » et les « PME ...matraquées.» Elles dénoncent également les hauts fonctionnaires quelle que soit la tendance politique du gouvernement. « Bercy est devenu un bateau ivre fonctionnant de façon antidémocratique.»
Quatre-vingt-quatre : 84 est le nombre d’impôts
nouveaux créés par Nicolas Sarkosy
(homme de droite assumée)
et François Hollande (homme
de gauche présumée)
Quand le livre est écrit en 2014, et les choses ne se sont pas arrangées depuis, les auteures signalent « un hold-up fiscal sans précédent : entre 2011 et 2013, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont crée 84 nouveaux impôts...qui ont permis à la France de conforter sa place de championne du monde des prélèvements obligatoires. Les ménages, les chefs d’entreprise, les héritiers, les retraités : personne n’a échappé à cette tonte généralisée.»
Nos gouvernants n’ont pas choisi la suppression des dépenses inutiles ni l’amélioration des branches du revenu public, ils ont tous opté, depuis des décennies et même des siècles, pour de nouveaux impôts dont la création manifeste parfois une grande inventivité dont les auteurs donnent quelques exemples dans ce livre.
« Le consentement à l’impôt est l’un des piliers de nos démocratie ». C’est pourquoi l’exagération de la pression fiscale suscitant le mécontentement ou la fuite (par exil ou fraude) surtout si elle est injuste, n’est pas favorable à l’expression démocratique.
L’État devant assurer des fonctions régaliennes, police, justice, armée, défense nationale et diplomatie, il est indispensable de payer des impôts.
Mais le consentement serait plus facile si les citoyens savaient à quelle dépense est affecté leurs prélèvements fiscaux. Le manque de transparence actuel ne favorise pas ce consentement à l’impôt.
L’opacité est aggravée par les exceptions : « notre pays raffole des cas particuliers qui rendent les systèmes auxquels ils s’appliquent opaques et rigides »
Des exemples d’exceptions sont donnés parmi les 309 taxes recensées en 2011 par le CPO (Conseil de Prélèvements Obligatoires, émanation de la Cour des Comptes)
Et c’est surtout sur la classe moyenne que s’abat « une pluie d’impôts »
Sur la grosse moitié de la population sondée qui accepte l’impôt comme acte citoyen, les 3/4 d’entre eux considèrent leur contribution supérieure à la redistribution dont ils bénéficient.
(La dégradation nouvelle des services publics ces dernières années n’a pu qu’amplifier ce sentiment de ne pas en avoir pour son argent.) Dans ce livre de près de 300 pages, des prélèvements chiffrés sont donnés, des révoltes citées, des lois fiscales, des taxes directes et indirectes et leurs conséquences économiques dénoncées. En particulier les conséquences économiques désastreuses du matraquage des petites et moyennes entreprises.
Europe : pas d’harmonisation fiscale…
Par manque d’harmonisation fiscale de l’Europe, la concurrence fiscale pénalise également l’économie française. A cause d’une fiscalité trop lourde, la France détient le record du taux de transmission des entreprises familiales le plus bas d’Europe. Ces entreprises étant vendues ensuite pour la plupart à des groupes étrangers.
Ce sont les plus riches qui fraudent le plus
La fraude est décrite, sous ces divers aspects et en chiffres. La plus importante et la plus coûteuse étant celle des plus riches et des grosses sociétés, parfois étrangères. Maintenant « l’e-commerce est un formidable gisement de ressources fiscales inexploité faute d’instruments juridiques et de priorité politique »
Les divers responsables de la pression fiscale de l’époque du livre, celle visible et celle moins visible de la façon de « plumer l’oie sans la faire crier » sont nommés : hommes politiques et fonctionnaires, en particulier ceux de «l’ogre Bercy, une administration créative et toute puissante » à qui manque un véritable pilote gouvernemental et qui « détient le monopole de l’évaluation des politiques fiscales. »
« Quand le pouvoir politique est défaillant, quand il n’a ni clarté de vue, ni objectif stratégique, ni vraie volonté » dit un sénateur, l’administration comble le vide et la machine de Bercy continue de tourner.
La complicité entre Bercy et les banquiers
La complicité entre Bercy et les banquiers est dénoncée mais la tentative d’amnistie financière figurant au projet de loi des finances de 2014 est déjouée par le Conseil Constitutionnel de l’époque. (Celui de 2020 l’aurait certainement laissé passer)
(Le pantouflage des hauts fonctionnaires de Bercy est également une source de perte de revenu pour la France. Voir article du blog sur les Intouchables d’État)
Autres problèmes français de taille
►La complexité et la difficulté de connaître le Code général des impôts qui compte 4000 articles répartis dans 40 000 pages de circulaires et instructions fiscales diverses, dans un langage désuet et une rédaction obscure, et dont 20 % sont remaniés chaque années. Une complexité aussi déroutante pour le public que pour l’administration elle-même qui de ce fait amène des fonctionnaires à « interpréter » les textes, chacun à sa façon.
Le remaniement perpétuel des articles finit par faire perdre sa cohérence à l’ensemble et « la complexité administrative coûterait chaque année entre 3 et 4 % du PIB, soit 80 milliards d’euros » selon le ministère de l’Industrie.
►Les niches. Une autre "tradition bien française"... aboutit à un système mité par l’abondance des niches, 460 dispositions dérogatoires dont le montant (en perte de recettes directes) devrait atteindre 80 milliards d’euros en 2014. »
« Plus le système est compliqué plus il nécessite de contrôle ».
Des contrôles et des contrôleurs
Une avalanche de contrôles, des contrôleurs nombreux et plus ou moins compétents vu la complexité du système suscitent mécontentement, révoltes et finissent par coûter cher à la société.
Globalement les contrôleurs les plus compétents et les plus diplomates sont réservés aux très riches, aux très grosses sociétés et les contrôleurs les moins compétents et les plus rigides s’occupent des contrôlés les moins riches. Des exemples de contrôles sévères parfaitement injustes sont donnés.
L’absence de logique fiscale
Ce qui perturbe le plus les chefs d’entreprises, plus que le poids des impôts, c’est l’absence de logique fiscale et l’instabilité, hausses suivies de nouvelles niches, voltes-faces incessantes qui les empêchent de prévoir leur capacité d’investissement et font fuir certains vers d’autres pays plus sécurisant pour leurs projets.
Le livre aborde aussi le problème de la fiscalité locale, la fiscalité du coûteux « millefeuille territorial » et de son augmentation de 170 % entre 1982 et 2012 malgré une baisse de la population de 20 % . La responsabilité en étant partagée par l’État et les collectivités locales.
La décentralisation a été surtout celle de l’irresponsabilité et a abouti à des « non-économies d’échelle »
Des déceptions, encore et toujours
« L’expérience des communautés de communes est décevante...les économies n’ont pas été au rendez-vous. »
Le chapitre 10 de ce livre s’intitule :« Bye bye les patrons. Entrepreneurs et cadres quittent le navire »
Et les seniors vont au soleil, souvent du Maroc. Pourquoi, comment et vers quels pays partent-ils est le sujet de ce chapitre.
L’évasion fiscale est abordée dans le chapitre suivant, son mode d’emploi, son coût et la difficulté de la traque aux fraudeurs
Pour quelles conséquences ?
Les conséquences des politiques fiscales et autres sont que « l’État français est en faillite, en déficit chronique » comme le disait déjà en 2007 François Fillon, alors 1er ministre de Sarkozy.
Et depuis, rien ne s’est arrangé, bien au contraire, cela a empiré avec la crise financière de 2008, disent les auteures du livre en 2014.
Alors que dire de maintenant, en 2022…!?
Les énormes dépenses de l’État
La France dépense trop depuis longtemps. Les dépenses d’État sont trop lourdes.
En 2013 près de la moitié du budget est consacré aux salaires des 2,4 millions de fonctionnaires. Une gabegie de dépenses sociales dont les distributeurs ont un fonctionnement opaque avec une lourde dépense administrative dans un système qui n’est plus adapté aux temps présent.
Divers autres problèmes signalés
Enfin, est-ce que le système fiscal est juste ou injuste en France ? La réponse n’est pas simple mais ces journalistes y répondent ainsi en 2014 : il est « très bénéfique aux familles modestes avec enfants. »
« La France reste objectivement un pays où les inégalités sont modérées, un peu plus élevées que dans les pays nordiques mais très basses par rapport aux pays développés. Pourtant les Français sont persuadés du contraire... Les laisser croire que les ‘riches’ paient moins d’impôts sur les revenus que les pauvres est dangereux et irresponsables.»
Ce sont seulement les ultra-riches,
les gros groupes, donc une petite
minorité qui peut échapper en grande partie
à l’impôt grâce à leur moyen
de se payer les meilleurs avocats
fiscalistes et grâce à leurs complices politiques.
La fin du livre est consacrée aux moyens possibles de s’en sortir. La Suède est donnée en exemple pour la façon dont elle a rétabli son équilibre budgétaire en diminuant les dépenses publiques et en améliorant ses revenus y compris en dévaluant la couronne suédoise en 1992.
En France « tant d’impôts et toujours autant de dette ! » disent ces journalistes
Cela exigerait un gros effort de réformes diverses pour sortir d’une situation jugée déjà « gravissime » en 2014.
Nota bene
Mais cela n’a fait que s’ aggraver depuis l’arrivée de Monsieur Macron, en tant que ministre de Hollande puis encore pire, en tant que Président, avec sa volonté de démanteler la France et son Industrie puis sa folle dépense pour corrompre journalistes, médecins, fonctionnaires divers ou obtenir la soumission de milliers de commerçants et de petits entrepreneurs lors de la fausse pandémie Covid.
oOo
A propos de cet ouvrage...
Il y a des vieux
livres qui content
des vérités sans âge : l’Horreur fiscale
Quatrième de couverture
L’horreur fiscale, ce n’est pas seulement le taux d’imposition élevé qui touche les Français. C’est un système déréglé, incohérent, opaque et, qui plus est, injuste.
Irène Inchauspé et Sylvie Hattemer, journalistes économiques, ont mené l’enquête, épluché des rapports, rencontré des experts, soulevé les tapis, débusquant les idées reçues, les démonstrations biaisées, les fausses solutions. Et elles ont découvert que la préférence française pour l’impôt a abouti à une situation bien pire encore que ce que l’on pouvait imaginer. Classes moyennes, chefs d’entreprise, héritiers, retraités : personne n’échappe à la tonte généralisée. Et le pire, c’est que cette rafle fiscale ne sert à rien, puisque la dette continue à progresser.
Alors, oui, les Français sont en colère, et ils expriment leur ras-le-bol avec les armes à leur portée : les plus riches s’exilent, les grands groupes délocalisent une partie de leurs équipes dirigeantes, les patrons créent leur entreprise à l’étranger. Ceux qui restent manifestent dans les rues, et les autres se révoltent en silence, soit en travaillant moins, soit en basculant dans la fraude.
Il va falloir faire preuve de courage et d’imagination pour nous sortir de là. En étudiant non seulement les recettes utilisées par les pays qui s’en sont sortis, mais aussi ce qui s’est fait en France dans le passé, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il s’agissait de reconstruire le pays. Rien ne nous empêche de monter sur des épaules de géants pour voir plus loin...
Table des matières
Prologue
Pire que dans vos cauchemars
« L’horreur fiscale ? Si c’est pour dire que nous payons trop d’impôts, ce n’était pas la peine d’écrire un livre. »
Première partie
L’Assommoir fiscal
- Bienvenue au pays des droits de l’homme et du contribuable
« Le consentement à l’impôt n’a rien d’évident : il instaure une relation de subordination alors que son utilisation est lointaine et non définie, sinon en termes très généraux. »
- Frénésie. Une pluie d’impôts sur la classe moyenne.
« Les sondages se suivent et se ressemblent. Dans celui réalisé pour 2013, 72% des personnes interrogées jugent excessif le montant de l’impôt. »
- Silence, on tond ! TVA, CSG : des impôts masqués qui rapportent gros.
« Quel est l’impôt qui rapporte le plus à l’État ? Voici le top 4 prévu pour 2014 : 1) L TV ; 2) La CSG/GRDS ;3) l’impôt sur le revenu ; 4) l’impôt sur les sociétés. »
4. Plafond de verre fiscal. Le matraquage des PME.
« Avec un taux de 64,7 % de leur résultat d’exploitations (impôts, taxes et charges sociales), les entreprises françaises arrivent deuxième de ce classement. »
Deuxième partie
Les responsables
- Le roi des gabelous. François Hollande, fanatique de l’impôt
« Dis-moi quels sont tes impôts, je te dirais dans quel pays tu vis. (François Hollande) »
- L’ogre Bercy. Une administration créative et toute-puissante
« Bercy détient de fait le monopole de l’évaluation des politiques fiscales. L’impacte de toute nouvelle mesure est calculé par la seule administration, contrairement à ce qui se passe à l’étranger. (Jacques le Cacheux) »
- Sac de nœuds. Nul n’est censé comprendre l’impôt
« En matière d’impôts, le principe n’est pas : ‘Nul ne censé ignorer la loi’, mais plutôt ‘Nul n’est en mesure de la comprendre’.»
- Folies locales. L’irrésistible hausse des impôts locaux
« La boulimie fiscale n’est pas l’apanage des parlementaires ni de nos dirigeants. Depuis belle lurette, les élus locaux ont eux aussi renoncé à se serrer la ceinture. »
Troisième partie
Les stratégies d’évitement
- Adieu les riches. ISF et droits de succession : les raisons de l’exil
« ISF et droits de succession : les raisons de l’exil. »
- Bye bye les patrons. Entrepreneurs et cadres quittent aussi le navire
« ‘Pars vite, et surtout ne reviens pas’. Non, il ne s’agit pas du détournement du titre d’un roman de Fred Vargas, mais du conseil d’un père à son fils de 22 ans »
- Evasion, mode d’emploi. De l’évitement de l’impôt à la fraude fiscale
« Trop de dépenses, trop de déficits, trop de dettes, trop d’impôts, trop d’instabilité… : tels sont, en vrac, les reproches qui expliquent l’impopularité record du gouvernement auprès des chefs d’entreprise en cette fin de l’année 2013. »
Quatrième partie
Réformer
- Le sapeur Camembert. Le déficit et la dette, deux puits sans fond
« ‘Je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en situation de faillite’… (François Fillon, 2007) »
- Réforme fiscale. Petites mesures et mauvaises idées
« Le système fiscal est régressif […] les riches, en plus de toucher de gros salaires et de se gaver de dividendes et d’autres produits financiers, paient beaucoup moins d’impôts que les pauvres. »
- La bonne étoile. Ces pays qui s’en sont sortis
« Deux pays sont souvent cités en exemple pour l’efficacité de la réduction de leur déficit : le Canada et la Suède. »
- La quadrature du cercle. Tant d’impôts et toujours autant de dette !
« L’industrie française est en train de disparaître et pourrait entraîner dans sa chute une bonne partie de l’économie française. (Laurent Berrebi, économiste et fondateur de Global Macro Finance) »
Épilogue
L’impôt sauve l’impôt
« Terminer un livre sur l’ « l’horreur fiscale » en proposant un impôt exceptionnel, c’est un comble […] c’est l’impôt qui sauverait l’impôt. »
Annexe
Trop, c’est trop
Août 2011 – janvier 2014 : 30 mois de matraquage fiscal
Irène Inchauspé, journaliste à l’Opinion, actuellement « en congé pour création d’entreprise en Picardie » co-auteur avec François de Closets de L’Echéance(Fayard 2011). Egalement auteure de : « Une faillite si convenable » (Calmann-Lévy), « Main Basse sur la Musique » (Calmann-Lévy), « Privatine, la mule qui souffrait d’être trop chargée » (Éditions du Cerf), « C’est pas ma faute » (Éditions du Cerf), « L’Échéance » (Fayard). « Si le bonheur se cultive, certains n’ont pas la main verte » (in Quand coule la Multru).
[2] Sylvie Hattemer-Lefèvre, journaliste, a été grand reporter au Nouvel Économiste, puis à magazine Challenges ,
[3] https://fr.statista.com/infographie/16257/impots-cotisations-sociales-pays-pib/
[4] Data Journalist, contributeur Forum mondial
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