« Le Divin Marché - La révolution culturelle libérale »
Dany-Robert DUFOUR
chez Denoël, 2007
Avant-lire
Par quels mécanismes
politiques et économiques on en est arrivé à une situation où, sur cette
planète, trois cents individus possèdent ensemble un patrimoine égal à celui de
trois milliards de leurs semblables ? (D.-R.
Dufour)
Le livre ici partagé est un essai philosophique
sur le marché mondial. Il a été publié chez Denoël par Dany-Robert Dufour en
2007. C’est encore un ouvrage incidemment trouvé à la bouquinerie de
Bagnères–de-Bigorre, qui, on le voit, enferme bien des trésors...
L’essai du philosophe Denis-Robert Dufour (de
2007 donc) reste d’une grande actualité en 2021, et explique l’absence de
réaction de tous les partis politiques face à la tyrannie actuelle. A part des
voix isolées de gauche ou de droite aucun parti politique institutionnel, de
l’extrême gauche à l’extrême droite, ni ne conteste le totalitarisme naissant
ni n’informe la population de ce qui se passe réellement.
A part quelques voix isolées, l’élite
intellectuelle, artistique, scientifique ou philosophique, dans son ensemble,
reste plutôt silencieuse et semble gober passivement la propagande
gouvernementale, voire, à en croire certaines, collabore parfois activement à
la désinformation.
Dans ce même blog, de ce même auteur (bien
que sous le pseudonyme de Démosthène, un
ouvrage a déjà été résumé dans l’article n° 39. « Connaissez-vous M.
Emmanuel Macron ? Le Code Jupiter par Démosthène” et il était consacré à la
‘macronie’ et à E. Macron. Il porte comme sous-titre “Philosophie de la ruse et
de la démence”. Il est édifient. Comme édifiant est ce nouvel essai
consacré, lui, au “divin marché”, cette nouvelle ‘religion’ du monde moderne.
« Le Divin Marché »
L’auteur rappelle encore, comme dans le « Code
Jupiter » (voir dans ce même blog – art. 39. Emmanuel Macron : Le Code Jupiter),
le rôle de la philosophie du médecin Bernard de Mandeville qui scandalisa au
XVIIIème siècle et qui maintenant est la morale mondiale du libéralisme.
« Les vices des hommes dans l’humanité
dépravées peuvent être utilisés à l’avantage de la société civile et on peut
leur faire tenir la place des vertus morales.»
Dany-Robert Dufour
décrit comment nos sociétés modernes se croyant libres, débarrassées de
différents formes de religion, suivent les instructions en fait d’un nouveau
dogme, celui du « libéralisme » et sont entrées dans une nouvelle forme
d’aliénation.
La dérégulation
libérale produit des effets dans tous les domaines, effets constatés de façon
éparse par les sociologues, les historiens, les politologues, les théoriciens
de l’art, les psychanalystes, etc. Ils observent des changements dans le
psychisme des individus, dans les usages langagiers, dans le nouveau rapport à
la religion, dans l’art s’égarant en futilités égotiques, dans la façon de
faire de la politique, dans les institutions classiques, famille et école, qui
ne socialisent plus, etc.
Mais ces savants
aveugles débitent des discours cacophoniques sans corréler leurs
constats aux changements de l’économie libérale… Il faut nommer la bête qui
apparaît aujourd’hui dans notre civilisation.
L’auteur propose
avec ce livre de nous plonger dans un bain philosophique roboratif. D’autant
plus urgent que ces changements affectent ce sur quoi la philosophe repose :
le Logos et
L’auteur cite Valéry qui a évoqué la mort des civilisations englouties avec leurs valeurs et leurs sciences.
C’est précisément cette possible catastrophe annoncée
par certaines sentinelles aux yeux bien
ouverts postées aux abords de notre village d’aveugles qui nous guette
En fait de bête,
ce serait plutôt un, voire des troupeaux d’individus qui se présenteraient
aujourd’hui. Des troupeaux bruyants, incultes, barbares, libérés de toutes
règles, désinhibées, post-névrotiques, bien décidés à piétiner toutes les
plates-bandes de la civilisation sur leur passage. Particularité de ces
troupeaux : chacun de ses membres se croit libre alors qu’il est télécommandé,
conduit par une puissante et invisible main de fer...Tous devenus les petits et
grands soldats d’une puissante force dont ils ignorent presque toujours les
tenants et les aboutissants et qu’il nous faudra...identifier.
Quel est le nouveau dieu de ces troupeaux d’individus qui se croient libres ?
Après la religion
nazie, la religion marxiste, une nouvelle religion, celle du Marché, est
installée avec une nouvelle divinité qui nous laisse la bride sur le cou :
le laisser faire remplace la régulation morale. Le Divin Marché ordonne de jouir !
L’auteur énumère les
10 bonnes raisons de se poser la question de la progression rapide de ces
troupeaux conduits par une main devant être rendue visible et prévisible, à
mesure que nos républiques se transforment en démocraties de marché.
Les 10 commandements de la
nouvelle religion constituent les 10 chapitres du livre :
1- Le rapport à soi: Tu te laisseras conduire
par l’égoïsme !
2- Le rapport à l’autre : Tu utiliseras
l’autre comme un moyen pour parvenir à tes fins !
3- Le rapport à l’Autre : Tu pourras vénérer toutes les
idoles de ton choix pourvu que tu adores le dieu suprême, le Marché !
4- Le rapport
au transcendantal : Tu ne fabriqueras pas de « Kant-à-soi » visant à te soustraire à la mise en
troupeau !
5- Le rapport
au politique : Tu combattras tout gouvernement et tu prôneras la bonne
gouvernance ! (La société civile contre l’État)
6- Le rapport au savoir : Tu offenseras
tout maître en position de t’éduquer !
7- Le rapport à la langue : Tu ignoreras la
grammaire et tu barbariseras le vocabulaire !
8- Le rapport à la loi : Tu violeras les
lois sans te faire prendre !
9- Le rapport
à l’art : Tu enfonceras indéfiniment la porte déjà ouverte par
Duchamp !
(Comédie de la
fausse subversion)
10- Le
rapport à l’inconscient : Tu libéreras tes pulsions et tu chercheras
une jouissance sans limite !
Ces 10 chapitres
sont développés par l’auteur au long de 320 pages avec leurs manifestations et
conséquences individuelles, sociales, politiques.
En conclusion il
distingue les divers troupeaux égo-grégaires : les troupeaux de
consommateurs, des « innocents » déchus de l’accès à la pensée
critique... en guerre contre la grande culture qui sont à la fois massacrés
et massacreurs de pans entiers de culture, qu’il faut entendre mais ne
pas laisser faire, les troupeaux de grands calculateurs hédonistes,
affranchis des lois…
Après
l’exploitation à outrance de la pulsion... (qui) détruit le sujet qui en
est la source… la prolétarisation à outrance du consommateur...le
libéralisme débridé commence à se trouver dans une situation de crise à
laquelle il convient d’être attentif car un reflux de son déferlement redevient
possible. C’est pourquoi il est indispensable de disposer d’un cadre unifié
pour penser les champs divers où cette crise se déploie (économique,
politique, psychique, symbolique et sémiotique).
Dans un précédent livre : On achève
bien les hommes, Dany-Robert Dufour signale qu’il y montrait que l’effondrement
symbolique actuel, combiné à la course à l’innovation technologique propre au
capitalisme ne pouvait déboucher que sur un projet : celui d’une recréation
de la nature et de l’homme, projet
insensé, fondé sur une folie rationnelle qui prête à la technologie la
possibilité de tout résoudre... y compris ce que la technologie
elle-même a détruit.
Il souligne la surdité
de ce marché aux dangers écologiques imminents et son oubli du réel.
Il signale également
qu’en Europe, et en France, en particulier... la mouvance d’extrême gauche,
dite antilibérale, a été, dès les années 60... un puissant vecteur des idées
libérales dans toutes les institutions et en particulier dans les institutions
éducatives... La déconstruction de ces institutions, menées entre autres par
Michel Foucault en France et Erving Goffman aux USA, s’est muée en volonté de
destruction de ces institutions.
On se souvient de
1968 pour ses révoltes... On sait moins que 1968 fut le début d’un changement
fondamental survenu dans le mode de régulation du capitalisme. Et on sait
encore moins que les 2 événements se sont croisés… La désinstitutionalisation...
a finit par toucher... toutes les grandes économies humaines.
Nous avons un symbole
fort de cette rencontre historique entre « critique artiste »
d’inspiration libertaire et dérégulation libérale : le programme de désinstitutionalisation de Goffman, paru en
France en 1968 dans Asiles, mis en place en 1966 par R. Reagan en Californie où
on expérimentait alors les premiers réseaux informatiques. Une sorte de mariage
contre nature fut alors consommé entre cette gauche artiste et cette ultra
droite libérale qui a enfanté d’inquiétantes créatures…
Les héritiers
de cette gauche entretiennent une totale cécité critique sur son passé et se trouvent dans l’incapacité de prendre la
mesure de leurs responsabilités dans la destruction des institutions qu’ils ont
prônée, ce qui est aujourd’hui le meilleur vecteur de l’extension du programme
libéral.
Pas de contre-feu de
la part d’une gauche politique à l’irruption libérale-libertaire et le besoin
de débouché électoral de l’ancienne « critique artistique »ont
entraîné la gauche politique depuis les années 80 à laisser tomber de plus en
plus le modèle républicain et les tentatives de régulation de l’économie du
gaullisme pour devenir une gauche molle, postmoderne, laxiste,
sociale-libérale affirmant tout et son contraire.
Quant à ce qui reste du communisme... évincé de
l’histoire… ce n’était
qu’un produit dérivé de l’économisme qui avait rejeté... le marché et l’avait
remplacé par la coercition permanente.
Dans ces
conditions il ne reste à la droite libérale déclarée qu’à passer de temps en
temps au pouvoir pour parfaire l’œuvre si bien menée par d’autres. Le plus souvent
il lui suffit d’agir dans l’ombre par ses « thinks tanks », par ses
nombreux relais dans l’opinion et autres groupes de pression... Une droite qui tente de masquer son libéralisme
sous une couche de populisme s’efforçant de ressembler à du républicanisme.
C’est
probablement ce grand jeu de dupes qui explique que plane sur les populations
déboussolées un étrange sentiment de confusion, de résignation et de colère. Mais tout n’est pas perdu, tous n’ont pas
renoncé... de plus en plus de voix venant de gauche, du centre, de la
droite classique ou de nulle part en appellent à un sursaut... On sent dans le peuple un désir de comprendre ce qui
arrive et une volonté de résister aux dérives égo-grégaires produites par
l’extension du modèle libéral...pour penser plus et dépenser moins.
Pour l’auteur il
s’agit non pas de se débarrasser entièrement
du libéralisme qui a permis des libertés individuelles et une élévation
du niveau de vie, mais de se débarrasser de ses effets pervers envahissants qui
tiennent à la croyance que les intérêts égoïstes privés peuvent s’harmoniser
par autorégulation spontanée... Le laisser-faire est une supercherie à tendance
religieuse…
La volonté politique nécessaire pour nous
sortir de là procède
d’individus prêts à se démettre d’une partie de leur jouissance privée pour
constituer, par pacte, un « moi commun »… Il est alors clair que le
salut dépend en dernier ressort de chacun de nous.
Nous en sommes
arrivés au début des conséquences ultimes et visibles du libéralisme débridé :
un totalitarisme barbare et son projet transhumaniste
de recréation de l’homme, dont l’auteur nous avait averti en 2007 (« projet
insensé, fondé sur une folie rationnelle »…).
Il est d’une extrême
urgence de sortir de la confusion et de la résignation et de développer le
nécessaire discernement et courage dont nous avons tous besoin pour éviter le
pire qui se profile actuellement.
Pour en savoir
plus sur « Le Divin Marché »
de Dany-Robert
Dufour
I - Quatrième de
couverture
«Les vices privés font la fortune
publique» : aujourd'hui banale, cette formule, énoncée pour la première fois en
1704 par Bernard de Mandeville, scandalisa l'Europe des Lumières. Pourtant, ce
médecin, précurseur trop méconnu du libéralisme, ne faisait qu'énoncer la morale
perverse qui, au-delà de l'Occident, régit aujourd'hui la planète. Elle est au
cœur d'une nouvelle religion qui désormais règne sans partage, celle du marché
: si les faiblesses individuelles contribuent aux richesses collectives, ne
doit-on pas privilégier les intérêts égoïstes de chacun ? Dany-Robert Dufour
poursuit dans cet ouvrage ses interrogations sur les évolutions radicales de
notre société. À partir des «dix commandements» inquiétants qui sont au
principe de la morale néolibérale aujourd'hui dominante, il analyse les
ébranlements que celle-ci provoque dans tous les domaines : le rapport de
chacun à soi et à l'autre, à l'école, au politique, à l'économie et à
l'entreprise, au savoir, à la langue, à
Dany Robert Dufour, philosophe, professeur en sciences de
l’éducation à l’université paris VIII, directeur de programme au Collège
international de philosophie Auteur de nombreux ouvrages dont Folie et
Démocratie (1996), L’Art de réduire les Têtes (2003), On achève
bien les hommes (2005), etc.
II - Sommaire de cet ouvrage
sous forme de décalogue et citations
Introduction
« Comme souvent, c’est alors que nous nous
croyons libres, libérés, vivant dans une société aux accents résolument
libéraux, que nous entrons dans une toute nouvelle forme d’aliénation. »
(p. 12)
1 - Le
rapport à soi : Tu te laisseras conduire par l’égoïsme !
Où l’on découvrira
bientôt que ce 1er commandement est à double détente, de sorte qu’il
devrait se prolonger ainsi : …et tu entreras gentiment dans le troupeau
des consommateurs. (P. 21)
Individualisme,
narcissisme ou égoïsme
« Un jour prochain, la branche sera
sciée » (p.23)
L’égoïsme grégaire
comme principe du troupeau postmoderne
« Nous voyons des ego, c’est-à-dire des gens qui se croient
égaux et qui, en réalité, sont passés sous le contrôle de ce qu’il faut
bien appeler ‘le troupeau’. » (p.26)
La famille virtuelle
et la disponibilité des cerveaux : ‘Ne pensez pas ! Dépensez !
« Il faut bien commencer par une question : qu’est-ce
qu’une famille aujourd’hui ? La réponse qui s’impose est…qu’on ne sait
plus très bien. » (p.29)
Un stade du miroir
télévisuel
« La vie dans un troupeau virtuel fonctionne à partir d’une
sérialisation des individus exposés à des multiples possibilités de
satisfaction de convoitises égoïstes, constamment excitées et relancées. Par
sérialisation, j’entends exactement ce qu’entend Le Robert s’inspirant manifestement des analyses de Sartre,
c’est-à-dire, ‘une perte du sentiment d’appartenance à une (ou à la)
collectivité humaine, le surgissement d’une anomie conduisant les membres d’un
groupe à vivre chacun pour soi et dans l’hostilité envers les autres’. »
(p.53)
2- Le
rapport à l’autre : Tu utiliseras l’autre comme un moyen pour parvenir
à tes fins !
Où l’on
remarquera que ce commandement est l’exacte contraire de la maxime
kantienne : « Agis de façon telle que tu traites l’autre comme
fin et jamais comme moyen » (p.60)
Deux
différences : sexuelle et générationnelle
« Des autres, pourtant,
il y en avait encore, il y a peu. Il me souvient même d’avoir rencontré des
gens absolument différents. » (p.61)
Sexe et genre
« La notion de genre
introduit une grande nouveauté : nous pourrions peut-être nous passer de
la différence sexuelle. » (p.65)
Changer de genre et
changer de sexe
« Or, tout laisse à
penser que c’est justement cette butée réelle que les postmodernes de la notion
de genre cherchent à faire sauter. » (p.72)
L’autre, c’est moi
« De même que la
référence à la différence sexuelle s’estompe, la référence à la différence
générationnelle fait de moins en moins sens pour les individus postmodernes. »
(p.81)
3- Le
rapport à l’Autre : Tu pourras vénérer toutes les idoles de ton
choix pourvu que tu adores le dieu suprême, le Marché !
Où l’on soutiendra que l’invention du marché par Adam Smith relève de la
théologie. (p.91)
La
postmodernité : sans dieu ou avec trop de dieux ?
«Comment donc expliquer cette contradiction qui fait que plus l’homme
sort de la religion, plus il a besoin de dieux ?» (p.92)
L’amour de dieu
« Précisons tout de
suite ce qui fait la différence entre un petit sujet et un grand Sujet. Le
premier procède des êtres contingents dont l’existence est ab alio, c’est-à-dire par autrui. Tandis
que le second ressortit des êtres nécessaires, existant a se, en soi. » (p.95)
Une nouvelle
Providence : le Marché ?
« Le Marché ne connaît
pas le passé ou l’avenir, il se déroule toujours au présent, il n’est qu’un pur
espace d’échanges généralisés dans lesquels des flux se croisent, se connectent
et se déconnectent : flux d’énergie, d’argent, de matières grises, de
formes, d’images.» (p.107)
Une guerre de
religion postmoderne !
« Le Marché, ce dieu
postmoderne appliqué à ne pas fournir de l’origine, est, pour cette raison
même, capable de concentrer sur lui la haine des dieux qui échappent encore à
son influence. » (p.111)
4 - Le
rapport au transcendantal : Tu ne fabriqueras pas de « Kant-à-soi » visant à te
soustraire à la mise en troupeau !
Où l’on verra comment l’équilibre instable des
deux derniers siècles entre régulation et dérégulation ‘morales’ s’est
récemment rompu en faveur de la seconde provoquant une double aliénation :
à la religion et au marché. (p.115)
La sortie du
religieux : la voie transcendantale
« Si aujourd’hui on se
croit libre, c’est parce qu’il y a eu ce long travail mené par les Lumières. »
(p.119)
Le retour au
religieux : laissez faire, c’est Dieu qui fait !
« Peut-être est-il
maintenant possible de mieux répondre à la question de savoir ce qui distingue
la postmodernité de la modernité. » (p.138)
5 - Le
rapport au politique : Tu combattras tout gouvernement et tu prôneras
la bonne gouvernance ! (La société civile
contre l’État)
Où l’on se
demandera par quels mécanismes politiques et économiques on en est arrivé à une
situation où, sur cette planète, trois cents individus possèdent ensemble un
patrimoine égal à celui de trois milliards de leurs semblables.
« S’il existe bien un indiscutable symptôme de la
transformation du rapport au politique, c’est bien celui qui est fourni par
l’abandon progressif du terme moderne de gouvernement au profit de celui, postmoderne, de gouvernance. » (p.141)
Corporate governance
« Derrière cet usage
flatteur, semblant procéder d’un approfondissement de la démocratie, il faut
savoir que la notion de ‘gouvernance’
vient en droite ligne de l’expression anglo-américaine de corporate governance (gouvernement
d’entreprise). » (p.142)
La très bonne
gouvernance
« L’intrusion de la
gouvernance dans les affaires politiques s’effectue au cours des années
90. ». » (p.150)
La « société
civile » contre l’État
« La gouvernance est en
train de tendre un redoutable piège à la démocratie : elle se présente
comme un élargissement de la démocratie par une meilleure participation de la
société civile, alors même qu’elle est en train de détruire le seul espace où les
individus peuvent accéder à la démocratie : en devenant citoyens et en
cessant d’être de simples représentants d’intérêts particuliers ».»
(p.156)
6 - Le
rapport au savoir : Tu offenseras tout maître en position de
t’éduquer !
Où l’on remarquera que ce commandement
s’adresse aux enseignés, mais qu’il peut utilement être complété par un autre à
destination des enseignants : ‘tu formeras beaucoup d’étourdis, absolument fiers de l’être’ ». (p.163)
La doxa
postmoderne : « l’école est une prison »
« En fait, toute la
philosophie postmoderne – qui s’est crue hautement révolutionnaire – s’est
engouffré dans cette impasse. » (p.165)
Défense de la scholè
« La véritable haine de
la culture s’entend très nettement dans certains écrits philosophiques
postmodernes : par exemple chez Barthes lorsque, de façon éminemment
paradoxale , ce grand amoureux de la langue en vient à dénoncer le ‘fascisme de la langue’ qui ‘oblige à dire’. ». »
(p.178)
7 - Le
rapport à la langue : Tu ignoreras la grammaire et tu barbariseras le
vocabulaire !
Où l’on découvrira
comment, pourquoi, avec quelles complicités de « grands penseurs »
s’est développée ces dernières décennies une véritable novlangue. (p.201)
De quel droit,
mesdames et messieurs, parlez-vous de la langue ?
« La langue est devenue
un pur et simple ‘marché linguistique’ au sein duquel les ‘échanges
linguistiques sont des rapports de pouvoir symboliques où s’actualisent les
rapports de force entre locuteurs ou leurs groupes respectifs’ (Pierre
Bourdieu). ». » (p.207)
De la novlangue – en
ses six caractéristiques
« Qu’on compare, parmi
les films français, l’audibilité moyenne des films récents avec celle des films
d’il y a une cinquantaine d’années ; on constatera qu’en dépit des progrès
techniques dans l’enregistrement et la restitution sonore, on entend moins bien
les dialogues des films actuels. » (p.219)
8 - Le
rapport à la loi : Tu violeras les lois sans te faire prendre !
Où l’on montrera
que certains rappeurs sont bien placés pour énoncer une grande loi
d’aujourd’hui, ‘le crime paie’, et pourquoi le droit et la juridiction libérales
contiennent la corruption » (p.248)
Le crime paie
« Chanson remarquable.. »
(p.61)
Extinction de la LEX
au profit du décret, de la procédure et de la négociation
« Il se pourrait bien
qu’à l’occasion du passage à un libéralisme échevelé, la conception
anglo-saxonne soit en train de prévaloir sur la conception romano-germano
transcendantale. » (p.363)
9 - Le
rapport à l’art : Tu enfonceras
indéfiniment la porte déjà ouverte par Duchamp !
(Comédie de la
fausse subversion)
Où l’on comprendra
enfin ce qui distingue l’art moderne de l’art contemporain (p.282)
La
« vraie » subversion
« Était-ce beau la
modernité ? Bien sûr, la modernité était belle. Mais elle pouvait aussi
bien être plus belle que belle – c’est-à-dire sublime. Dans le beau, nous
sommes simplement heureux. Dans le sublime, nous nous ne sommes pas heureux.
Nous sommes transportés ailleurs. Ravis…. » (p.283)
La
« comédie » de la subversion
« Comme l’a dit
Baudrillard , dans un retentissant article (« Le complot de l’art »,
Libération, 1996), sauf notables exceptions « l’art contemporain est
nul ». » (p.290)
10- Le
rapport à l’inconscient : Tu libéreras tes pulsions et tu chercheras
une jouissance sans limite !
Où l’on se
demandera si l’invention de la psychanalyse n’eut pas lieu deux siècles plus
tôt qu’on ne le dit généralement, grâce à un certain Bernard de Mandeville »
(p.298)
La transduction
« Le signifiant est ce
qui représente un sujet pour un autre signifiant. » (Lacan, cité en p.
301)
D’une lutte
homérique entre deux grands psychanalystes : Mandeville et Freud
« Bernard de Mandeville
est l’auteur d’un traité des passions, le Traité des passions hypochondriaques
et hystériques de 1730, écrit sous la forme d’un d’un dialogue entre un médecin
et deux de ses patients. A noter que ces passions se rapportent à ce que nous
nommons aujourd’hui des pulsions. » (p.305)
Fictions et fonction
paternelle
« Tout part donc de ce
non du père. Encore faut-il que ce non, le père ne soit pas le seul à le
soutenir ! » (p.314)
Conclusion
« Arrivé
au terme du voyage, l’auteur se trouve à l’heure des bilans, c’est-à-dire littéralement
taraudé par quelques questions insistantes. Trois au moins : l’objectif de
cet essai cherchant à faire voir ce qui menace aujourd’hui la Cité a-t-il été
atteint ? Qu’a-t-on oublié Et après, que faire ? »
III – Un point de vue
différent
« Une thèse
séduisante mais une vision contestable du naturalisme et simplificatrice du
libéralisme. Malgré ces substantielles critiques, la lecture de cet ouvrage
original reste, à bien des égards, extrêmement stimulante. »
(Alain Policar,
blog : https://www.nonfiction.fr/article-5688-impossible_emancipation_.htm)
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